Dark Irish comedy
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Chose rare que la qualité de scénariste soit véritablement à prendre comme compliment pour un cinéaste, mais McDonagh parvient, contrairement à Sorkin par exemple, à faire autre chose que mettre des interprétations et de la musique sur une page wikipédia, à mettre réellement un texte en bouche, à tisser son imagerie dans la matière de son scénario, si bien que la caméra semble ne faire que suivre des mots qui n'ont pas de sens sans elle. Le sentiment de voir quelqu'un qui a son film dans la tête, qui ne pense qu'avec du cinéma.
Si il tire de ses comédiens une telle précision de jeu, c'est car tous sans exception interprètent des personnages, avec leur sens et leur direction, mais perpétuellement connectés, sans autonomie au récit. Qui écrit Mrs. McCormick - qui aurait sa place en quatrième sorcière dans Macbeth - et lui retire autant sa dimension fantastique ? Il n'empile pas des couches d'histoires ou de thématiques, mais donne au récit son propre monde, fait d'un certain nombre de variations, mais qui ne mélange rien, il prend et fait, dans les interstices. Trois sur cinq de ses films inscrivent l'unité de lieu directement dans le titre, et ce n'est pas hasardeux, le décor servant bien souvent de référence pour déployer un univers libre, où, quand c'est bien équilibré, on croit à tout.
Peu courant de voir la parole si bien distribué, l'enjeu majeur - Brendan Gleeson - étant caractérisé par son silence et son absence, sans pour autant que cela ne devienne un gimmick, ou un ressort comique. C'est paradoxal mais c'est cette absence de règles typique à la vie qui donne au film sa substance. Dans le même ordre d'idées, c'est ce génie qui permet de laisser à Barry Kheogan son caractère tertiaire, là où n'importe qui, si on leur donne l'idiot de l'île, ils l'agitent dans tous les sens, alors que McDonagh émet non pas de la vertu, mais du recul, et, plutôt que se priver, laisse humblement faire les choses. Cela reste dégradant de prétendre qu'il laisse faire les choses tant c'est bel et bien sa caméra qui rend au film la beauté de sa géographie, île pittoresque qu'il ne filme jamais comme, dont il accepte la monotonie et les lueurs sans distinction, comme quelqu'un de tellement incarné qu'il serait en même temps beau, et en même temps laid. Sa métaphore passe elle aussi, sans bruit mais partout, rappeler l'absurdité du conflit, comme pouvaient le faire bien plus spectaculairement Three Billboards ou Bons baisers de Bruges, bien qu'on trouvait déjà cette mélancolie de l'arbitraire.
"He heeds his master's voice".
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2022 et 2022 : le cinéma en marche et mâche
Créée
le 2 avr. 2023
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