Les Bostoniennes
6.1
Les Bostoniennes

Film de James Ivory (1984)

Bon d'abord, précisons tout de suite qu'Ivory je l'apprécie beaucoup.
"Chaleur et poussière" et "Chambre avec vue", ses deux seuls que j'avais vus jusque là, sont des chefs d'oeuvre bien trop méconnus.

Maintenant, la vision toute fraîche de ce "the bostonians" obscurcit quelque peu le tableau. Je peux tirer de cette adaptation d'une nouvelle d'Henry James quelques enseignements cruciaux :

1- Christopher Reeve (nous l'appellerons Superman) a le charisme d'une enclume. Il est moins souple et mobile qu'après sa cruelle chute de cheval, lui ayant brisé les vertèbres. En même temps faut être con pour faire du cheval, et encore plus con quand on est aussi grand et large.

2- Le scénario, pourtant écrit par la brillante Ruth Prawer Jhabvala, la collaboratrice en chef d'Ivory, est raté.
Je vais encore étaler mon inculture, puisque je n'ai jamais lu d'Henry James, mais là clairement, ça donne pas du tout envie, tellement c'est sans intérêt.

En gros, on est chez les suffragettes, Vanessa Redgrave joue le rôle d'une sorcière féministe absolument imblairable, lesbienne sur les bords, qui prend sous son aile une jeune recrue à fort potentiel, capable d'enflammer les foules grâce à son éloquence et ses discours percutants sur la condition féminine.
Et puis il y a superman, semble-t-il avocat, un peu basique, un peu arriéré, à l'ancienne, un peu macho, pas du tout dans le délire de la libération des femmes.
Et il va avoir envie de se faire la jeunette. Ainsi que d''autres quidams qui passent dans le coin.
Mais Redgrave va être jalouse... En gros tout le monde veut se faire la jeune.
Que va-t-il se passer ? Qui va-t-elle choisir ?
La jeunette va-t-elle sacrifier ses idéaux pour l'amour d'un bellâtre arriviste ?
Qui va triompher ? L'individualisme ? Le collectif ? La grand histoire ? La petite histoire ?

Ca a l'air passionnant dit comme ça non ?

Dans les faits c'est horrible.
D'abord parce que dans le rôle de la charismatique oratrice qui fait tourner la tête des hommes, ils ont casté une nana qui disparaîtra illico des écrans radars à la suite du film, tant son manque de charisme et d'envergure sont flagrants.
Visage porcin, regard inexpressif, elle est exaspérante de bout en bout, et ses duos successifs avec Redgrave ou Superman, n'en finissent plus de donner des pulsions morbides.
Pourtant dans le pitch du film, tout le monde la veut, tout le monde la désire, tout le monde l'admire. Et pour ces raisons, ça ne marche jamais. D'abord parce qu'elle est vilaine comme tout, mais surtout parce qu'elle joue mal, et que son interprétation lors des fameuses séquences de discours, qui sont sensés hypnotiser les foules, ne transmettent strictement rien. C'est plat, c'est fade, c'est morne, c'est triste.

On passera sur les dialogues insipides (autant dire que la cause du féminisme n'aura pas avancé d'un pousse ici, et que la partie romantique est complètement foireuse de bout en bout), sur les seconds rôles inexistants, sur la durée extravagante du métrage pour ce qu'il raconte (2H!), sur le montage ridicule (avec des ellipses toujours à côté de la plaque, une évolution des relations entre les personnages toujours improbable, des trous dans la narration comme si tous les plans nécessaires n'avaient pas été tournés), et on a une bonne idée de la purge que ça peut être à subir.

Cela dit tout n'est pas ignoble, il y a quelques beaux plans, la reconstitution du 19ème siècle de la société bourgeoise américaine est plutôt crédible et bien foutue. C'est assez propre, soigné, et au bout du compte pas si difficile à encaisser.

Mais c'est tellement décevant venant de l'équipe derrière les manettes, qui avait trop de talent pour commettre un truc aussi éteint.
Quand je pense au final du film (et je vais spoiler), je repense à celui du "Lauréat", où le héros interprété par Dustin Hoffman va contre vents et marées sauver sa chère et tendre des griffes d'un mariage fomenté par la diabolique cougar jouée par Anne Bancroft.
Il y a de l'énergie, de la folie, ça court, ça saute, ça bondit, bref ça vit.

Je repense aussi à Mario qui arrive à sauver Princesse Peach des grosses paluches velues de Donkey Kong après au moins 120 niveaux de plus en plus durs, dans l'extraordinaire jeu gameboy "Donkey Kong". Il y a de la tension, une montée en puissance, bref quelque chose.

Là non, Superman arrive sur les rotules, en mode je m'en bats la couille, la grosse vilaine est là, elle s'apprête à faire son discours devant une énième assemblée de mollusques amorphes, et puis elle part avec lui, et puis le combat continue malgré tout parce que Redgrave prend sa place sur l'estrade. Et puis fin. Tombée du rideau.

Tout ça pour ça...!
KingRabbit
3
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le 18 mai 2014

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KingRabbit

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