Que dire de ce film ? Renié et quasiment caché par le studio l'ayant produit, disponible seulement dans une version lourdement censurée pendant des années, ce n'est que récemment que les spectateurs ont pu (ré)découvrir et être possédés par "Les Diables" de la façon souhaitée par son créateur.
Warner Brothers ne savait vraisemblablement pas ou il mettait les pieds en confiant le projet au réalisateur Ken Russell. Se basant sur la réputation flatteuse de son film précédent, le drame "Women In Love" , nominé aux Oscars, le studio américain alloua un budget confortable à Russell, pensant que ce dernier allait leur livrer un drame historique classique, prêt à caresser dans le sens du poil le penchant de l'Académie pour les fresques d'époque.
Lorsqu'ils découvrirent le bordel baroque, hystérique, politique et érotico-horrifique pondu par Ken Russell, les producteurs ont qualifié le film de "merde dégueulasse" et ont exigé de nombreuses coupes pour qu'il puisse être distribué en Angleterre. Ce premier montage "officiel", approuvé par le réalisateur malgré les coupes imposées, reste LA version définitive des Diables: bien que quelques scènes coupées furent retrouvées au début des années 2000, le studio n'a pas voulu les voir réintégrées dans le film.
Malgré la stupidité et l'absurdité de cette démarche, cela n'affecte en rien la force hystérique du brûlot de Russell, plus de 40 ans après sa sortie. En revoyant le film récemment, cela m'a fait penser que si Jodorowsky avait voulu enrichir ses films d'un fond politique afin de dénoncer les dérives de l'association Eglise-Etat, ça aurait probablement donné "Les Diables".
De plus, c'est surement la meilleure prestation d'Oliver Reed, qui malheureusement est devenu presque plus célèbre pour ses dérives alcooliques de fin de carrière que pour son talent d'acteur. Ici, son regard intense crève l'écran, et on tremble pour ce prêtre, vaniteux et orgueilleux au début, mais redécouvrant sa foi et affrontant avec dignité une machination qui le dépasse.
Vanessa Redgrave est également excellente dans la peau (difforme) d'une nonne manipulée, voyant dans le personnage de Reed une lueur d'espoir au milieu d'une vie de frustrations. Les décors magnifiques de Derek Jarman et la BO atmosphérique à souhait de Peter Maxwell Davis complètent le tableau: "Les Diables" est certes dérangeant et excessif, mais aussi excellemment écrit, interprété et réalisé: on aime ou on déteste, mais on ne reste pas indifférent !
Le double DVD anglais édité par BFI propose le montage anglais d'origine dans un très beau transfert, ainsi que des suppléments exhaustifs et passionnants. Évitez à tout prix le DVD espagnol édité par Warner, que malgré un transfert correct, présente la version américaine lourdement censurée, et qui fut la seule disponible pendant des décennies avant la réapparition de la version cinéma anglaise d'origine. En attendant qu'un éditeur français (go Carlotta Films ! ) s'intéresse à ce chef d'oeuvre maudit, ruez-vous sur le DVD anglais et laissez-vous posséder !!!

filipe
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le 13 sept. 2015

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filipe

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