Le cinéma américain ; c'est un bain chaud, un sauna dans lequel je me prélasse. Je me sens bien, je m'y sens chez moi... De l'autre côté de l'horizon atlantique, je patauge et me débat inlassablement dans ce cinéma français... Que je ne comprends pas et qui pourtant représente mon mode de vie... Systématiquement, je tends donc à fuir ces eaux boueuses et nauséeuses pour y rejoindre les courants chauds hollywoodiens. Enfin jusqu'à la découverte du trop bien connu Les Diaboliques.
Ce film figure comme une quatrième illustration d'un concept que je mets en place, les C.R, autrement dit Les Crossover Reviews. La première s'appuyait sur Apocalypse Now, la deuxième sur Le Dernier des Mohicans, et la troisième sur Dragons. Le but étant l'analyse d’œuvres cinématographiques complètement différentes des unes des autres que j'entremêle, parce que certains pourraient le penser ; les comparaisons c'est nul, mais elles ne sont pas là pour rien.
Durant une semaine, j'ai visionné cinq films que tout oppose mais il y a des liens, je vais bien en trouver...
J'en parlais avec Au revoir là-haut que j'avais désigné comme tête de turc, mon rejet pour le cinéma français moderne, un courant d'auto-dérision, de surenchère humoristique, de mimétismes sociétaux et de non-jeu.
Toutes ces composantes se voient aucunement - ou très peu dans cette extraordinaire oeuvre qu'est Les Diaboliques. Un long-métrage foncièrement théâtral et français ! Parce que je m'étais toujours imaginé qu'un décor-plein de cinéma pouvait être réussi dès lors qu'il représentait le commissariat de police d'un de ces comtés du Texas, les couloirs d'une université californienne, le diner d'un bord de route de la 66 ou encore la chambre d'un crasseux motel sinistre, lumineux que par ces pancartes fait de néons rouges et bleus. Parce que, parallèlement le cinéma français moderne me donne des nausées, avec ces bureaux blancs, ces documents colorés éparpillés, cette fenêtre avec en arrière-plan cette petite Renault blanche trop bien garée, ce commissaire en gros plan, jambes sagement rangées sous le bureau, qui déverse ses dialogues faits de chuchotements et de mots parasites, le tout comme... S'il n'était pas au cinéma, ou comme s'il se croyait sur une scène humoristique.
Quand Les Diaboliques interprète joliment : chacun des dialogues sont à savourer et laissent entrevoir un humour subtile parsemé parmi ces indices, anecdotes et autres spéculations qui participent à l'avancement progressif de l'histoire à suspens. Quand bien même, tout est fièrement français ; les répliques exhibant la richesse foisonnante d'expressions, de proverbes et de jargon qui font sourire ou qui savent mettre le doute. Quand bien même, tous ces décors, ces comportements et visages sont aussi précieusement français, et pourtant j'ai été conquis. Ce fut même les principales forces, en plus d'être parvenu à délivrer un scénario intelligent et à la fois simple et limpide.
Et il faut en remercier H.G Clouzot qui, en tant que réalisateur, scénariste et dialoguiste, donne le rythme à ces collaborateurs de qualité que sont Simone Signoret, Vera Clouzot, Paul Mérisse et j'ai envie de dire, aussi et surtout, Noël Roquevert, qui offrira selon moi, l'une des meilleurs scènes du long-métrage.
Tout est si propre et théâtral, très plaisant donc, mais peut-être est-ce une forme d'appel à l'exotisme d'une époque fantasmatique, que je n'ai pas connu et que je ne connaîtrais jamais. Il en serait de même avec le cinéma américain, dont j'idéalise le mode de vie et les personnages, moi-même, chaque jour influencé par une belle trouvaille hollywoodienne datant d'hier ou d'aujourd'hui.
Pas vraiment je dirais, puisqu'il ne faut pas oublier dans l'équation que j'apprécie Les Diaboliques - plus qu'un autre métrage français actuel - aussi et surtout pour sa technique. La technique de mise en scène, de scénarisation sont mieux travaillés, mieux pensés et mieux maîtrisés, ce, sans se perdre dans cette pseudo-spontanéité et cette surenchère dramatique que je méprise, celles-ci caractéristiques du cinéma français moderne. Les Diaboliques me montre un visage du cinéma métropolitain que je ne connaissais pas, qui évite ne se noyer parmi une nuée de métrages médiocres, ces derniers partisans du non-jeu et de l'auto-dérision, phobiques du thriller/horreur et du théâtral.
Mon enquête du cinéma français perdure, tandis que ce Cross Reviews s'achèvera avec une nouvelle analyse qui exposera les raisons pour lesquelles je préfère généralement l'atmosphère du cinéma américain au cinéma français. Parce que les pro-hollywoodiens anti-films français comme j'ai pu l'être jadis, se font souvent jeter des pierres par ces puristes qui savent apparemment que le vrai cinéma est français... Maintenant pris dans un terrible maelstrom, canonné par les deux extrêmes incarnant souvent la bien-pensance, j'ai quelques nuances à donner et les voici. Cela ne marquera certainement pas la fin des hostilités, mais pourra ouvrir la voie vers de nouveaux débats... Le cas appliqué sera le bien nommé, David Lynch et son Lost Highway.