C'est une agréable comédie, les gags ne sont pas extraordinaires, mais ça vaut largement beaucoup de comédies françaises.


Le problème est que certaines personnes pourraient être tentées de voir dans ce film un aspect documentaire, en oubliant qu'on est dans une comédie, et que donc, tout est caricature, par définition, il ne peut pas en être autrement dans une comédie.


Les bushmen représentent un type idéalisé rousseauiste de "bons sauvages".
Non les véritables bushmen des années 80, qui n'auraient jamais été en contact avec la civilisation industrielle. Dans les années 80, ce genre de bushmen n'existaient plus depuis longtemps déjà.


Pas grand chose d'ethnologique je pense dans la peinture du peuple bushmen Saan, peuple qui ne connaîtraient pas le mot "guerre" (idéalisation), ni le mot "propriété", ni le mot "enrichissement".
Wikipédia, en supposant qu'elle ne se trompe pas comme c'est souvent le cas, nous dit à propos des bushmen, que c'est un peuple pastoral depuis environ 2000 ans. La vision du film, le bushmen 100% chasseur, cueilleur, et ne connaissant pas l'accumulation de biens, par exemple les têtes de bétails, a, d'après, quelques 2 millénaires de retard:



Beginning around 2000 years ago, some Bushman groups acquired
livestock from further north. Gradually, hunting and gathering gave
way to herding as the dominant economic activity as the Bushmen tended
to small herds of cattle and oxen. The arrival of livestock is thought
to have introduced concepts of personal wealth and property-ownership
into Bushman society



On est loin apparemment du mythe du bon sauvage idéalisé vivant dans un communisme primitif.


Je pense que c'est plus à prendre comme une fable, qui croirait que les sociétés premières ne connaissent pas la guerre ou les violences qui sont inhérentes à l'homme.


On a là le raisonnement à la fois un peu simpliste et raciste, c'est un "bon sauvage" donc il est bon, donc il ne connaît aucune violence. Il ne semble pas avoir de culture dans le film, pas de lois, et se préoccupe uniquement de ses besoins primaires.
Mais cette déformation n'est pas très grave, parce que le peuple bushmen n'est qu'un prétexte pour regarder notre société d'un autre angle, il n'a d'autre fonction que le rôle de l'idiot utile ou du naïf, rôle parfois tenu par un extra-terrestre qui ne connaît rien à notre civilisation, parfois par quelqu'un d'exotique, comme chez Montesquieu, parfois par un handicapé, comme dans Rainman, mais à aucun moment on ne s'intéresse vraiment à la culture de l'autre, pour faire de vraies comparaison, tout cela n'est que prétexte...


On est dans le rousseauisme le plus pur, l'homme étant un ange perverti (uniquement) par la civilisation, mais même dans le film, ce n'est pas envisageable: si les hommes commencent à se taper dessus et à jalouser l'autre dès qu'ils n'ont pas une situation égale en tous points, comme tracée au cordeau, ça veut bien dire que ces sont des pulsions inhérentes aux sociétés humaines, et aux êtres humains pris individuellement.


Il est vrai que plus un groupe humain est petit, plus un traitement égal qui ne serait pas susceptible d'éveiller des jalousies est réalisable. Mais si ce n'est la possession matérielle, il y a beaucoup de façon de jalouser son prochain, voir l'exemple de Caïn et Abel, ou d'un jeune marié qui trouverait la femme de son voisin beaucoup plus attirante que la sienne. Problème pratiquement résolu par la "possession" commune des femmes, pareille à un cheptel.


Le film présente des bushmen, comme il pourrait présenter n'importe quel peuple idéalisé, c'est plus l'opposition des besoins existant entre ces deux groupes humains, qui est mis en relief.
La société ultra-libérale (et non la civilisation occidentale) a besoin de créer sans cesse de faux besoins, l'homme des villes, dans le film, n'a finalement pas plus besoin de la bouteille de coca que le "bon sauvage". Nos grands-parents étaient aussi des sortes de "bons sauvages", car ils n'auraient peut-être pas eu le besoin et l'utilité de changer de téléphone tous les 6 mois. A supposer que ce genre de téléphone existât à cette époque, il eut fallu que la publicité et la compétition sociale, leur insufflent ce besoin.


Ce n'est pas la société qui crée des besoins artificiels, mais la société telle qu'elle est depuis la révolution industrielle. Le besoin de se mettre un toit sur la tête, de vêtir ses enfants, de les instruire, etc, ne sont pas des besoins artificiels, même si ce ne sont pas les mêmes que ceux que nous aurions si nous vivions tous isolés, par clans, dans une forêt. Trop occupés des besoins immédiats, comme celui de trouver de l'eau, pour créer une culture (dans le film, les bushmen ne semblent pas avoir de culture, mais vivre au jour le jour !!!)
Ce n'est pas la rareté d'un bien qui crée la convoitise, mais au contraire le conformisme, le "moi j'en veux aussi", rendu possible par l'industrialisation et la production des biens de consommation en masse. Un bien trop rare n'éveille la convoitise que des plus arrivistes. "Tout" le monde rêve d'un nouveau téléphone, parce que c'est un bien qui est relativement accessible pour une grande partie de la population, mais peu de gens rêvent de posséder une jaguar, et pas seulement parce qu'on n'en croise pas tous les jours.
La chose rare, unique ou quasi unique, représentée par la bouteille de coca, est difficilement transposable dans notre société.


Cette bouteille revêt aussi d'autres symboles. Celui du choc des civilisations. L'arrivée des biens de consommations de la société industrielle dans les cultures traditionnelles "untouched" a détruit plus d'une culture.
On peut aussi y voir l'immiscion de la technologie dans une société qui, soit disant, et d'après le film, n'en possède pas.


Quelque chose de plus anecdotique: La langue Xhosa entendue dans le film, c'est aussi une caricature ( c'est de bonne guerre dans une comédie !)
C'est un peu comme si on faisait parler un allemand avec seulement des gutturales, un anglais avec des patates chaudes, ou un brésilien avec uniquement des "ch". C'est idiot, mais j'étais quand même persuadée qu'il devait exister une langue presqu'uniquement composée de claquement de langues la première fois que j'ai vu ce film.


Parmi les points négatifs, il y a aussi le placement de produit de la bouteille de Coca Cola (oui ils ont payé pour ça).
Ils trouvaient sans doute flatteur de faire de Coca Cola le symbole de la "civilisation".
Ironiquement, c'est assez juste, car Coca et Mac Donald's sont les mots les mieux compris dans toutes les langues du monde. Et encore plus ironiquement, je trouve que ça dessert assez Coca, on a presqu'envie nous aussi de jeter la première bouteille rencontrée dans un puits sans fond après le film.

Perce-Neige
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le 29 nov. 2015

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Perce-Neige

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