« Hidden Figures » est un film réalisé par Theodore Melfi, basé sur le livre du même titre écrit par Margot Lee Shetterly. Dans la Virginie du début des années 60, le film s’intéresse aux vies de trois mathématiciennes afro-américaines, Katherine Goble Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson, qui travaillaient à la NASA.


Ces trois femmes occupent des postes de "computers", c’est-à-dire, littéralement, que ce sont des calculatrices humaines. Les traductions françaises de mots américains ne sont pas toujours excellentes… Avant l’avènement des ordinateurs qui remplaceront définitivement ce genre de travail, les équipes d’ingénieurs employaient donc du personnel pour effectuer tous ces calculs numériques (la tâche "noble" consiste bien sûr à obtenir l’expression analytique). Ce travail est assez ingrat et, d’ailleurs, à l’époque, était majoritairement confié à des femmes (noires ou pas) !


Nos trois héroïnes, qui sont des mathématiciennes d’exception, vont profiter de cette période assez extraordinaire que sont les années 60 à la NASA pour y réaliser de brillantes carrières, et ce, en dépit de la ségrégation raciale encore présente en Virginie à l’époque et du sexisme auquel elles sont parfois confrontées.


Le film, qui est adapté de faits réels et met en scène trois figures ayant réellement existé, joue sur plusieurs tableaux sans que ses différents aspects ne phagocytent la place accordée aux autres. Il est particulièrement plaisant de découvrir un film qui donne autant de place à des personnages féminins forts dans les domaines de l’aérospatial et des mathématiques, traditionnellement très masculins, encore de nos jours (croyez-moi, je sais de quoi je parle !). Légitimement ambitieuses du fait de leurs formidables capacités, les trois scientifiques du film semblent pourtant devoir en faire deux fois plus que leurs collègues masculins pour bénéficier de la même reconnaissance. Qu’à cela ne tienne, elles en feront trois fois plus.


Le second aspect, c’est évidemment celui de la ségrégation raciale, encore légale dans certains états de l’Amérique au début du mandat de Kennedy. Ce point, qui n’est pas au cœur du film, est traité avec justesse et pudeur, mais constitue une piqûre de rappel sur le fait que, il n’y a pas encore 60 ans, il était parfaitement légal de discriminer sur la couleur de la peau dans la plus puissante démocratie du monde…


Enfin, évidemment, le cœur du film repose sur la frénésie de la conquête spatiale des années 60. Le film est d’ailleurs délimité par deux évènements fondateurs : de la mise en orbite de Spoutnik par les soviétiques en 1957 au vol de John Glenn en février 1962. Je ne sais pas pour vous, mais, personnellement, je pense que professionnellement, être scientifique à la NASA au cœur de la course à l’espace dans les années 60, il ne doit pas y avoir grand-chose de mieux. Toujours est-il que « Hidden Figures » propose une excellente reconstitution de cette ambiance si unique, où toute l’attention (et les budgets) américains étaient tournés vers les étoiles, ce qui a finalement permis à un certain Neil Armstrong, un 21 juillet 1969, de poser le pied sur la Lune.


Rater un film sur la conquête spatiale est quelque chose de difficile, il faut bien l’avouer.


« Hidden Figures » est un excellent film à l’équilibre réussi entre un sujet passionnant, les contributions et l’avancement des carrières respectives de trois mathématiciennes à la grande époque de la NASA, et un message social puissant. Il bénéficie en outre d’actrices impeccables dans leurs interprétations (qui furent louées par Katherine Johnson, dernière rescapée du trio à l’âge canonique de 97 ans), et d’une fidélité historique correcte. Par exemple, l’anecdote selon laquelle Johnson vérifia les (très difficiles) calculs de trajectoire du vol de Friendship 7 à la demande de John Glenn lui-même est véridique, même si la vérification eu lieu bien avant le réel compte à rebours, au contraire de ce qui est montré par le film, sans doute par excès de dramatisme...


Chaudement recommandé. Et puis voir ce petit con de Sheldon se faire corriger ses maths, ça n’a pas de prix.

Aramis
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le 13 mars 2017

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Aramis

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