L’arrivée des années 2000 a été fatal et porteur de malheur pour de nombreux cinéaste qui avaient jusqu’auparavant connu une période florissante. Comme pour Brian De Palma tombant dans sa propre caricature, Oliver Stone qui s’est trop assagit depuis Alexandre ou encore Terry Gilliam qui est aujourd’hui qualifié de cinéaste le plus malchanceux de notre génération.


A juste raison malheureusement, principalement à cause de son projet d’adaptation des aventures de Don Quichotte constamment repoussé (et encore une fois repoussé en Octobre dernier pour manque de budget) mais aussi à cause des échecs critique et financières de ses projets récents, notamment son projet personnel Tideland. Sans parler de la mort de Heath Ledger pendant le tournage de L’imaginarium du Docteur Parnassus qui lui a value ce surnom maudit.


Et pourtant avant l’arrivée des années 2000, l’ex membre des Monty Python était en forme. Outre son incroyable Brazil reconnu comme un film culte pour beaucoup (et le film favoris de Doug Walker du Nostalgia Critic), comment ne pas citer son penchant pour la fuite vers l’imaginaire à travers Les aventures du Baron de Münchausen et Bandits Bandits et la satire faite de la technologie moderne déficiente ? Comment ne pas le citer avec L’armée des 12 singes, particulièrement angoissant et mettant en étude la perception de notre réalité et de notre mémoire ? Puis est arrivé Las Vegas Parano, peut être aimé par beaucoup, mais ce n’est pas mon cas puisque je ne suis jamais rentré dans ce délire junkie. Ses prochains films ont signé pour moi la chute considérable de Gilliam, et ça n’a jamais été aussi vrai qu’avec Les Frères Grimm.


Je ne sais pas ce que Gilliam avait en tête précisément en adaptant l’histoire des deux frères, raconter l’histoire des deux auteurs en mêlant l’univers de leurs contes comme si ils avaient vraiment vécu ce qu’ils ont écris par la suite est une très bonne base pour un film de conte, pour peu que l’on sache en faire quelque chose de solide dans la forme et le fond. Sauf que ce n’est pas le cas, pire, Terry Gilliam va autant échouer dans la présentation de cet univers fantastique que dans le traitement de ses protagonistes et de son histoire.


7 ans après Las Vegas Parano, Gilliam fait à son tour l’expérience des images de synthèses mais on sent rapidement qu’il est très loin d’être à son aise avec les trucages numériques. Dés qu’un effet spécial intervient dans la forêt enchantée de Marbaden, le spectateur n’avale jamais le moindre effet visuel : l’animation des branches et des arbres qui s’animent ressemblent à une animation de vieux jeu PlayStation, les loups réussissent l’exploit d’être encore plus immondes à voir que les loups-garous de la saga Twilight (je ne plaisante pas, ce film y parvient) et même des animation incrusté


comme celui de la fillette avalé par le cheval et conservé dans son ventre sont laides à voir


, et cela n’est pas aidé par la photographie qui est loin d’être belle à voir, et qui sera un problème récurrent dans ses derniers films Tideland et L’imaginarium du Docteur Parnassus. Et ça fait très peur quand on sait qu’en principe, Gilliam propose toujours un vrai travail sur les décors et sur l’esthétique dans ses films (avant les années 2000 en tout cas). Quand on voit qu’il met sa réalisation, ici, au service d’une direction artistique pareille, ça fout un sacrée froid. Surtout que la même année sont sorti Star Wars III : La revanche des Sith, King Kong, La Guerre des Mondes, Kingdom of Heaven, Charlie et la chocolaterie, Batman Begins ou encore Harry Potter et la coupe de feu qui étaient tous bien plus aboutis au niveau du visuel et des effets spéciaux.


Les seuls moments ou le film fonctionne d’un point de vue artistique, c’est lorsqu’on se retrouve au sommet de la tour de l’ancien village détruit par la peste et que l’intérieur se met à s’animer grâce à la magie de la reine au miroir, jouée par une Monica Bellucci mal exploitée alors que les plus beaux moments du film pointent le bout de leur nez quand elle entre en scène.


Le casting non plus ne donne pas du rêve : Peter Stormare vire constamment dans le ridicule exaspérant à force de jouer le maître de torture exécrable en plus d’être con comme un placard, on ne croit pratiquement jamais à la performance de Heath Ledger en imposteur rêveur tant il exagère et qu’il ne semble pas coller au rôle, Jonathan Pryce interprète un énième cliché de général incrédule et détestable sans personnalité, même Matt Damon et Lena Headey (Cirsei Lannister a bien changé depuis 2005… voilà, la référence à GoT est faite) ne parviennent pas à sauver le naufrage pour ce qui est de l’écriture des protagonistes, encore que Lena Headey m’a paru la plus potable de tous.


Déjà parce qu’on ne croit jamais en une chimie éventuelle entre les deux frères, Wilhelm provoquant au final plus d’antipathie qu’autre chose et Jack passant plus pour un excentrique sans plus de personnalité que pour un rêveur et qu’on ne voit jamais un seul moment ou les deux frères partagent une fraternité solide ou convaincante. Alors que ce sont censé être ceux avec qui on va vivre ce conte au mieux oubliable et au pire énervant, ceux qui écriront les contes qui ont été inspiré par leur lutte contre cette forêt maudite. Sans parler des relations avec Angelika ou Mercurio mal exploité également, la romance ne fonctionne jamais pour ce qui est de Angelika et Wilhelm et Mercurio passe pour un obtus de première.


L’aspect conte étant notamment gâché par les références envahissantes des contes des frères Grimm et pas que, ça déborde à ras bord : Hansel et Gretel, le petit bonhomme de pain d’épice, Raiponce, La princesse et la grenouille, Cendrillon, ça se transforme en vrai patchwork inutile qui sont parfois à la source des effets visuels raté ou qui n’ont au final aucune utilité sauf pour le clin d’œil aux contes des frère Grimm, je pense pas que c'était nécessaire de nous rappeler qu'ils ont écris ces contes à l'origine.


Reste un boulot correct à sauver pour la musique de la part de Dario Marianelli, l’ensemble des morceaux étant d’assez bonne facture venant du partenaire habituel de Joe Wright mais une bonne musique n’a jamais suffit pour faire un grand film. Si le reste ne suit pas, une bonne partition ne suffira pas. Et pourtant, il y a fort à croire que les intentions de départ étaient louables, mais dans les faits ça n’est jamais très costaud.


Les Frères Grimm n’est pas juste une expérience raté chez Terry Gilliam, il représente aussi la descente du cinéaste britannique pendant les années 2000 puisqu’il échouera dans ses deux prochains projets sans jamais renouer avec le public : entre un Tideland ennuyeux et pauvre en matière ainsi qu’un Docteur Parnassus au déroulement catastrophique. Peut être que Zero Theorem apporte un brin d’espoir mais bon personnellement j’y crois de moins en moins quand on voit que son projet autour de Don Quichotte est continuellement repoussé et risque de ne jamais voir le jour au final.
La vie est très cruelle parfois.

Maxime_T__Freslon
3

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le 6 févr. 2017

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