Voyage pour l'enfer : quand la RATP offrait des allers gratuits vers les camps de concentration...

Ce film m'a laissé l'impression d'un immense ratage, dans lequel le réalisateur, Michel Mitrani

(1930-1996) semble être passé à côté de son sujet et de ce qu'il voulait faire en se laissant trop guider par l'aspect documentaire de ce récit ! Le troisième de ses cinq films, presque autobiographique puisque le réalisateur, juif lui même, a vu a mère déportée et incinérée au camp de concentration d'Auschwitz... Il a vécu cette seconde guerre mondiale en devant son salut d'avoir été caché dans un pensionnat de Touraine...

Dommage que ce titre soit aussi peu évocateur de l'évènement historique de "La rafle du Vel'd'hiv" où, pendant l'occupation, la France et sa Police mettaient un zèle assidu à se laisser esclavager par l'occupant, nazi. La bête moustachue d'Hitler voulait en effet détruire aveuglément tous les juifs de la planète, soupçonnés stupidement de tous les maux de la terre, comme l'âne de la fable "les animaux malades de la peste".....

Pétain avait pourtant affirmé avoir signé un pacte avec l'ennemi "dans l'honneur" : force est de constater que le gouvernement de Vichy s'asseyait dessus, précédant les envies du dictateur abominable, et pour lui être agréable, sacrifiait une partie de ses ressortissants, femmes et enfant compris, pour sauver l'autre.

Si le Louvre est évoqué dans le titre, c'est parce qu'il est situé sur la rive gauche du pont permettant d'atteindre la rive gauche de la Seine et le salut pour les juifs... Je ne sais trop pourquoi... Comprenne qui pourra...

En plus d'un titre pas très accrocheur, et de surcroit pas très évocateur du récit, quelque chose m'a beaucoup agacé dans ce film au point de lui nuire au plus haut point ! Si les grandes douleurs sont muettes, on a cru bon de polluer trop de scènes tragiques du film de multiples concerts de casseroles "violonisées" nous écorchant les tympans... Un récital pseudo-moderne de faux désaccords et de couacs savamment "désorchestrés"....

Bref, c'est concerto pour massacre d'oreilles mélomanes... Ce tintamarre réussit même à être pire, plus horrible que les délires musicaux de Matthieu Chabrol, qui trouvait sûrement jouissif et sadique de massacrer les films du paternel avec ses propres capharnaüms sonores !

Mais là où je suis "tombé du grenier à la cave", c'est quand j'ai découvert que la cacophonie épouvantable et insupportable de ce film avait été perpétré par Mort Shuman, pour lequel j'avais jusqu'alors la plus profonde admiration ! Notamment pour son tube "Le lac majeur" qu'il composa et chanta avec un brio admirable et dont le me régale encore des "oiseaux lyres qui sont en pleurs"...

Je plains chaleureusement les spectateurs qui ont eu à supporter la cacophonie de cette horrible bande musicale en salles, car vive la télé : à plusieurs reprises, j'ai pu me ruer sur la touche "mute" de ma télécommande de télé ! Et éviter l'abominable, l'insupportable crash de décibels nuisant gravement à l'empathie qu'on aurait pu éprouver pour le plan filmé ! A se demander si Mort Shuman a vu le film avant de composer cette horreur.

Pour en revenir au script, après un générique étonnamment muet (ne touchez pas à vos réglages) des débuts fastidieux, un plan long et inutile en allemand, il s'avère rapidement lassant , voire insupportable à force d'accumuler les scènes pénibles de rafles, de vols....

Bravo par contre pour les affreux autobus RATP épargnés par les collectionneurs, mais dommage qu'on ne voie jamais l'intérieur du Vel d'hiv lui-même : pourtant, les films documentaires et images d'époque ne manquent pas... Manque d'ambition ?

A la première rafle , on compatit, mais quand le film ne raconte que ça, accumulées les unes à la suite des autres, ça finit par en devenir lassant... On en retiendra cette morale qu'à la vue d'un barrage de contrôles policiers, il ne faut jamais rebrousser chemin : il y a toujours en arrière une sentinelle prête à vous arrêter et se dire que vous avez quelque chose à vous reprocher...

On se demande aussi pourquoi un étudiant veut s'ériger en sauveur de vies alors que le clergé s'y refuse, et que les juifs eux-même ne veulent ni fuir, ni découdre leur étoile de David....

Que de mauvais dialogues pour des comédiens de talent qui méritaient mieux comme Judith Magre, Henri Garcin, Michel Robin, Michel Auclair, Alice Sapritch (...) valant plus que ces strapontins qu'on a condescendu à leur accorder. Quelle absence de développement dans les sujets ! Comme si ça ne suffisait pas, question fin, elle reste ouverte et on nous sur notre faim ! Si vous voulez un épilogue, vous vous le ferez vous-même. Je déteste cette forme de lâcheté ou de fainéantise.

Venons-en aux deux héros de l'aventure : Christian Rist n'a pas fait carrière dans le cinéma et il n'avait pas du reste le physique de l'emploi : c'est ici son second film et on le sent mal à l'aise du début à la fin du tournage... Au point de le partager... Raté ! Quant à Christine Pascal (1953-1996) elle irradie l'écran comme oie blanche trop têtue...

Elle a été découverte par Tavernier qui a réalisé cinq films avec elle, et je la compare un peu à Marie-France Pisier, mais avec un talent dramatique supérieur et semblant inné... Elle a connu un producteur suisse qu'elle a épousé et s'est lancée dans la réalisation... La belle comédienne semblait vouée à un avenir rose mais la déprime chez elle semblait constante et plus forte : elle se défenestra de la clinique où elle était soignée...

Dans le film, le couple qu'elle forme avec Rist est ambigu : peu importe, on s'en moque...

De plus ce dernier était avant tout un homme de théâtre et déclame sur le tournage comme sur les planches... Le duo claironne ses textes comme s'ils débitaient une récitation à l'école, genre "nouvelle vague du cinéma" à une époque. Tout ça sonne aussi faux que la musique du film elle-même...

Pas moyen de retrouver l'accueil fait dans les salles à l'époque, mais ce film avait peu fait parler de lui : presque 30 ans après, les français avaient tourné la page d'une collaboration avec l'ennemi peu flatteuse pour son Histoire... Mitrani aurait-il réglé ses comptes ?

TV5 Monde le 17.07.2023-

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le 21 juil. 2023

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