Les pulsions au service d’une démonstration

L’intérêt des Météorites, modeste mais certain, est de penser la trajectoire de son protagoniste principal comme le glissement d’une approche de type réaliste vers un cinéma naturaliste dans lequel la nature résonne avec la vie pulsionnelle de Nina, à l’image de la météorite qui l’obsède au point de faire d’elle un double de cet objet qui a traversé le ciel pour s’écraser sur la terre, creusant un cratère qui la raccorde au monde primitif. La caméra capte un environnement capable de déclencher des impressions de surnaturel, ce qui relie la jeune adolescente à une foi en la liberté qu’elle éprouve au fur et à mesure de ses errances et égarements.


Le film est régi par des pulsions : la faim, qui pousse Nina à manger des framboises sauvages et des insectes, le sexe qui la conduit à s’amouracher d’un beau gosse de dix-neuf ans qui crâne sur sa bécane, la vie et la mort réunies toutes deux par le documentaire Sur la Terre des dinosaures, la pluie de météorites causant à la fois la disparition d’une ère et le commencement d’une autre. On comprend bien que les dinosaures fascinent Nina puisqu’elle s’identifie à eux : le parc dans lequel elle travaille apparaît telle la mémoire vive – quoiqu’inerte – d’une catastrophe naturelle, d’un bouleversement astronomique qui menace de se reproduire. L’adolescente est entre deux âges, écartelée entre un détachement des structures scolaires (elle a quitté le lycée) et professionnelles (elle se fait virer) d’une part, la nécessité de grandir et donc de « devenir » d’autre part.


Néanmoins, ce jeu de correspondances est trop appuyé par un réalisateur soucieux de bien faire dont le geste consiste, en fin de compte, à mettre en place un dispositif – la marche – au service d’un réseau symbolique – météorite et dinosaures – comme s’il élaborait une démonstration argumentée. Tout cela manque cruellement de naturel, et les artifices pour prétendre saisir la nature sont trop codifiés et grossièrement utilisés pour convaincre. D’autant que si les météorites ont l’avantage de filer à toute vitesse, celles mises en scène par le film se traînent comme des mémères.

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le 9 avr. 2020

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