La scène d’introduction du film est d’une efficacité redoutable. Sombre et terrifiante, elle présente la vie nocturne de Mashhad, ses femmes misérables et le tueur effrayant autour duquel tournera le récit. Les derniers plans de la séquence introductive sont d’une émouvante beauté : on suit de dos le tueur sur sa mobylette, dans la pénombre nocturne, le corps de sa victime dépassant maladroitement des deux côtés avant que la caméra ne s’élève pour nous laisser voir les ramifications impressionnantes de Mashhad.
Le personnage de Rahimi, journaliste qui vient enquêter sur la série de meurtres de prostituées, est ensuite introduit. Le film alterne les points de vue de cette journaliste et du tueur qui apparaît très vite à visage découvert. Si les scènes de crime sont toujours aussi glaçantes, l’enquête manque de tension et de profondeur. La présence de Rahimi, femme journaliste, ainsi que le contexte policier auraient pu servir à montrer davantage les dérives du système iranien mais ce point de vue s’arrête à quelques phrases misogynes et refus de coopérer à l’encontre de Rahimi sans être approfondi et davantage un réel point de tension de l’enquête. L’enquête file même à toute vitesse, la journaliste met très rapidement la main sur le tueur : elle rencontre une première prostituée qui sera dès le lendemain une victime du tueur araignée, elle rencontre le tueur dès sa première nuit déguisée en prostituée.
Le personnage du tueur est lui plus réussi car plus nuancé. Tiraillé entre sa vie de famille et son besoin de reconnaissance aux yeux de Dieu, abîmé par sa mobilisation dans l’armée iranienne et un sentiment d’échec, il représente les vrais enjeux du récit. Ceux-ci deviennent le point central d’une deuxième partie plus réussie.Désormais emprisonné, le cas du tueur araignée sert à opposer le fondamentalisme religieux et le respect de la condition féminine, la responsabilité pénale et le fanatisme. Le poids de la religion dans l’éducation iranienne est la réelle toile d’araignée de ce film, elle touche toutes les générations, aussi bien le père que la mère de famille et la glorification du tueur araignée apparaît en décalage avec la froideur des scènes de crimes auxquelles a assisté le spectateur.
Cet axe intéressant est malheureusement terni par quelques partis pris du scénario qui forcent l’interprétation du spectateur. Les scènes de folie apparente du tueur brouillent en effet les enjeux plus profonds du procès et semblent plus être un artifice cinématographique pour choquer le spectateur. De même, certaines scènes centrées sur le fils forcent sur l’empathie, que ce soit dans le plan peu original de la course derrière la voiture de police qui emmène son père ou de la scène finale très peu honnête, inutilement et gratuitement choquante qui clôt maladroitement le film.

Alsh74
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le 5 août 2022

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