Pascal Rabaté adapte ici sa propre BD sur un sexagénaire qui réapprend à vivre après la perte de son ami le plus proche. S'il fait montre d'une réelle sensibilité, il n'a toutefois pas le talent visionnaire de ses compères Marjane Satrapi ou Joann Sfar, autres bédéistes français qui ont brillamment passé l'épreuve de l'auto-transposition cinématographique. Si l'on excepte quelques rares plans touchés par la grâce, comme ce travelling simple mais incroyable sur la piste de danse, la mise en images s'avère plutôt quelconque. Comme par souci de rester fidèle à son matériau d'origine, Rabaté cherche avant tout à garder son cadre fixe, laissant ses personnages évoluer dans des cases.
Sauf que cette immobilité finit par créer une certaine distance et empêche l'émotion d'affleurer. Si l'on ajoute à cela un manque criant de maîtrise dans le rythme du film, on comprend aisément que Les Petits Ruisseaux berce le spectateur plus qu'il ne le revigore. Cela n'en fait pas pour autant un mauvais film, loin de là, puisqu'avec son histoire touchante pleine de bons sentiments (dans le bon sens de l'expression) et ses personnages croqués avec amour, le coup d'essai de Pascal Rabaté fait passer un agréable moment. Faute de mieux.
Evidemment, s'il ne vous faut qu'une seule raison pour faire trempette dans ce ruisseau, c'est la présence de Daniel Prévost dans un premier rôle - enfin ! Et si j'osais, j'ajouterais même que nous avons là deux génies sous-estimés du cinéma français qui se donnent la réplique : Prévost, donc, exceptionnel, et Philippe Nahon, magistral, dont le spectre cul nu plane sur ce film qu'il quitte bien trop tôt.