Logan Lucky travaille au corps le cliché de l’Américain moyen un peu benêt pour prendre le spectateur au piège de sa propre crédulité, soucieux de mettre en scène pendant une heure et demie un braquage réalisé par une bande de bras cassés jusqu’à rectifier le tir et orchestrer un revirement à 180 degrés. L’idiot devient cerveau, l’heureux hasard devient planification rigoureuse. Les personnages de Steven Soderbergh ont constamment un tour d’avance sur celles et ceux qui les regardent, construisent eux-mêmes un personnage public servant de façade à une activité souterraine qui ne sera révélée qu’à la toute fin ; aussi son cinéma se revendique-t-il d’une esthétique de l’arnaque, les braqueurs n’ayant de cesse de jouer des rôles, de penser leurs gestes et leurs postures selon des stratégies préalablement définies, mais qu’un joueur supplémentaire peut à tout moment démasquer (l’agent spécial Grayson, en l’occurrence).


Les acteurs amusent la galerie, le spectateur se prend d’amitié pour eux, baisse sa vigilance, leur accorde une confiance d’autant plus grande qu’ils sont les détenteurs du point de vue – l’histoire est en partie racontée à partir de leur focalisation. Daniel Craig a teint ses cheveux et fait tatouer son corps, il manque un bras – pardon une main – à Adam Driver, Channing Tatum écoute de la country music… Chacun constitue un leurre, attire l’attention, place en premier plan un détail comme en témoigne la mise en scène de Soderbergh qui compose des plans sur des objets afin d’occuper le spectateur et permettre aux arnaqueurs une sortie de scène on ne peut plus discrète.


Logan Lucky prend un malin plaisir à déconstruire le poncif de l’homme rural aussi rustre que stupide, distinguant de manière pertinente les apparences et la réalité, pour un film un peu longuet mais fort sympathique.

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le 18 juil. 2020

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