"Long Weekend", considéré comme l'un des fleurons du cinéma fantastique australien, en dépit d'être passé plutôt inaperçu, a fait le buzz dans les festivals où il a été diffusé. S'enorgueillissant de critiques globalement élogieuses, il est une expérience aussi unique que déconcertante, nous rappelant à quel point l'être humain est insignifiant pour la nature.


Cette humanité est incarnée par un couple en crise qui va essayer tant bien que mal de se réconcilier mais nous savons à l'avance que cela est voué à l'échec. On pense bien sûr à cette scène où Peter vise Marcia avec son fusil qui nous met la puce directement à l'oreille. Un projet de camping qui ne plaît pas à sa femme qui n'a d'autre choix que de la fermer devant l'autorité quelque peu tyrannique de son époux dont la séparation sera le cadeau du retour. Les dialogues sont ponctués de piques incessantes, de provocation, de sarcasmes et d'insultes. Ne se dégagent d'eux que de l'antipathie. N'ayant déjà pas de respect envers eux-mêmes, ils n'en auront pas non plus pour la nature dans laquelle ils tenteront de s'évader mais qui finira par leur faire comprendre qu'ils ne sont pas les bienvenus.


Les actes de violence contre la nature a pour conséquence de n'engendrer chez nous que du mépris à leur égard. Peter écrase un kangourou avec indifférence (sauf pour sa voiture), Marcia balance un oeuf d'aigle (avec un parallèle sur l'avortement qu'elle a subi) contre un arbre, ça tire à tout bout de champ pour faire fuir les oiseaux ou pour buter un veau de mer inoffensif et ça balance un mégot par la fenêtre qui en amène à ce qu'un feu que nous ne verrons jamais se produise. Les codes sont cassés et le cliché du couple gentillet qui va en prendre plein la gueule n'existe pas. Le propos écologiste est évident. L'Australie étant l'une des zones terrestres les plus riches de la Terre, il est capital de la préserver pour peu que l'on ait un minimum de dignité. Déjà quelques années auparavant, "Réveil dans la terreur" poussait la barre encore plus loin en massacrant réellement des kangourous face caméra pour alerter le gouvernement australien devant les actes de barbarie innommables auxquels se livrent ces beaufs alcooliques que l'on appelle chasseurs. Un engagement intemporel et indispensable pour préserver notre écosystème. Mais on sait que l'être humain négligera tout ça pour ensuite faire "ouin ouin" quand il sera trop tard car c'est dur de changer ses habitudes de vie.


Bon après, ce n'est pas car le propos est juste qu'il faut faire son Ave Maria devant. On les connaît les énergumènes qui portent aux nues un film car celui-ci est en accord avec leur idéologie, indépendamment de toutes les qualités intrinsèques qui forment un tout. Ainsi, arrivé sur les lieux, un cri va déchirer la nuit. Un cri qui va se transformer en lamentations à vous filer la chair de poule à chaque fois que vous l'entendrez. Celui-ci sonne comme le désespoir de Mère Nature qui ne veut pas de ces indésirables sur son panorama vierge de toute vie humaine. Ce drame existentiel va voir l'irruption d'une dimension fantastico-horrifique à l'efficacité redoutable.


Bien que "Long Weekend" filme l'ennui d'un couple, l'atmosphère ne fait que se charger pour devenir de plus en plus lourde et glauque. Le danger ne réside pas dans une entité mais dans le décor même. Il est chaque minute passant plus menaçant, amenant nos deux tourtereaux à basculer dans la terreur. Leur impuissance devant les éléments tiennent en haleine. Le hors-champ est privilégié ou tout du moins des choses anodines comme un simple opossum. Peu importe qu'il fasse jour ou nuit, le malaise ne retombe jamais. Il n'y a aucune accalmie et ce qui aurait pu être une apathie généralisée devient un thriller paranoïaque vous agrippant à la gorge. "Long Weekend" nous rappelle que ce que l'on ne voit pas est infiniment plus troublant et malsain, réveillant alors chez certains dont moi des peurs enfantines. Voilà pourquoi la peur du noir est-elle aussi démocratisée chez les enfants car ils sont incapables d'avoir une représentation visuelle du danger. Être perdu dans une forêt tortueuse fut aussi quelque chose qui me faisait paniquer plus jeune. D'ailleurs, je ne cache pas que je n'aimerais toujours pas me retrouver dans une pareille situation mais sans doute ne dois-je pas être le seul adulte à ressentir cela.


"Long Weekend" n'use pas d'artifices et repose toute sa démarche sur le sensoriel. Ainsi, il ne pourra que mener à des débats ardents. Indubitablement, ce n'est pas un film que l'on recommandera à tout le monde. Le fantastique qu'il utilise est en marge de celui qui est traditionnellement utilisé. Il n'y a pas de bon ou de mauvais fantastique. Juste un style différent mais que je trouve beaucoup plus oppressant. Moi qui pensais ne plus jamais avoir la chair de poule devant un film, autant dire que celui-ci aura plus d'une fois fait vibrer mon épiderme. Rarement une telle bande son aura été aussi proche de la perfection. Qui plus est, notre duo se débrouille avec les honneurs. N'espérez aucune sympathie, ni once de lumière et préparez vous à embarquer pour un voyage que vous n'oublierez pas de sitôt. En tout cas, à la fin de la séance, j'ai eu un mouvement de recul avec la tête en voyant une mouche voler à 30 cm de mon visage. Véridique !


Simple hasard ou un avertissement de dame Nature qui a décidé de faire de moi sa prochaine victime ?

MisterLynch
9
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Il faut reconnaître que ces films mettent mal à l'aise

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le 19 févr. 2023

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MisterLynch

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