Love se veut donc une histoire d'amour et de passion avec des scènes où le sexe, dédiabolisé, s'insère dans la narration cinématographique et participe du propos.


Faisons donc un sort à cet aspect. Oui, le sexe est bien traité dans ce film, et j'en étais la première surprise. Les scènes, sans sombrer dans le mauvais goût, servent réellement le discours, transmettent de façon claire et assez esthétisée des informations, émotions, sensations sur les diverses évolutions de cette relation amoureuse et de leurs divers partenaires sexuels. On peut déplorer un certain choix d'en trop faire, certainement parce que le réalisateur était tellement "fier" d'être "le premier" à traiter de la sorte le sexe de façon aussi crue et narrative qu'il a eu envie d'en mettre plein la vue au spectateur. Au propre comme au figuré, d'ailleurs, avec cette scène d'éjaculation face à l'écran qui, franchement, était dispensable, surtout en 3D, mais bon, on s'est bien marrés.


L'esthétique, la musique et les acteurs sont excellents et il n'y a pas grand-chose à redire sur une réalisation inspirée qui parvient même à utiliser la 3D de façon intelligente (c'est la première fois que je peux dire cela).


Voilà pour le sexe, qui finalement remplit si bien son objectif qu'il n'est que ce qu'il était supposé devenir : un élément anecdotique parmi d'autres d'un récit plus vaste.


Les problèmes de ce film ? Tout le reste, à commencer par ce connard de personnage principal. Et je pèse mes mots. Et de toute évidence, ce n'est absolument pas voulu ni conscient de la part de Noé, vu comme jamais il ne prend parti dans cette histoire.


Notre Murphy est le mec le moins safe de toute l'histoire, et c'est de plus en plus gênant à mesure que le visionnage progresse. Harcèlement incroyable de violence, manipulation totale (quand il engueule sa meuf et réussit à la faire craquer en s'écriant "tu ne seras jamais une bonne mère" .. yum yum), égoïsme, mauvaise foi, doubles standards - jamais Murphy ne lui autorise tous les écarts que lui s'autorise , et ses reproches sonnent tellement faux et hypocrites ...


Sympathique scène de "fraternisation masculine" avec le flic quand Murphy, après avoir été un gros enfoiré à la soirée à laquelle Electra l'a invité, juste parce que ce mec est trop jaloux et possessif et a foutu la merde, et après s'être montré parfaitement fier de tout avoir foutu en l'air sans aucun état d'âme, trouve une âme compatissante en la personne de ce flic qui lui dit que quand même, c'est vrai que c'est un connard ce Noé. Ensuite, Electra, outrée d'avoir eu des questions gênantes sur sa sexualité alors que cela n'a rien à voir avec le schmilblick, s'entend répondre par Murphy "nous entre mecs on s'entraide tu vois" puis "j'ai protégé ma meuf". What a dick, indeed.


Du coup, toute cette histoire qui aurait pu, au vu de la forme très intéressante, donner un film original et recherché, quitte définitivement le territoire de l'amour pour toucher à celui de la passion possessive et malsaine. Et je sais qu'Electra est loin d'être irréprochable et que c'est justement le propos initial du film, mais montrer un Murphy aussi connard, violent et dangereux, un homme égoïste, transphobe (scène assez gênante dans le film à ce sujet), vaguement homophobe en sus, ce mec qui se la joue anti-bourgeois alors que c'est un petit blanc prétentieux qui prend de la coke en se la jouant artiste, bref, Murphy foire le film, parce qu'on quitte le domaine de la passion amoureuse pour arriver dans la passion malsaine. Et que Murphy fait souffrir Electra de façon tout sauf saine. C'est le genre qui pourrait la tabasser et ensuite dire qu'il souffre, et je pèse mes mots.


Bref, beau gâchis. Alors que franchement, le propos, les acteurs, la réalisation de qualité, tout était là. Mais ce personnage, seigneur. J'y étais avec une amie et nous avons toutes deux senti peu à peu le malaise nous gagner à mesure que le personnage nous était de moins en moins sympathique et de plus en plus effrayant. Et pendant ce temps, deux meufs derrière nous ricanaient devant cette scène transphobe en gloussant "hihi je vais en faire des cauchemars". Quel gâchis, mon cher Gaspar Noé. Quel gâchis. Je l'aimais bien, moi, cette bande-annonce, et cette façon de traiter le sexe au cinéma. L'idée demeure une belle idée, et la réalisation une belle réussite. Quel dommage, franchement.

Kabouka
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le 19 août 2015

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