Comme pour "Youth" l'année dernière, on a du mal à comprendre pourquoi "Mademoiselle" est reparti bredouille du festival de Cannes. Le dernier né de Park Chan-wook est pourtant un très grand film, une œuvre hypnotique et troublante, habile jeu de manipulations où les personnages se mentent, font des complots et au final, bernent plus d'une personne. Dans ce récit segmenté en trois parties nous faisant changer de point de vue et donnant à chaque fois une nouvelle vue d'ensemble de l'histoire où manipulés et manipulateurs ne sont pas toujours ceux que l'on croit, Park-Chan-wook crée une ambiance particulièrement savoureuse. Transposant dans la Corée colonisée par le Japon des années 30 un roman de Sarah Waters, il confirme avec ce film la virtuosité de sa mise en scène et fait preuve d'un sens du détail qui n'a jamais été aussi soigné. Outre la reconstitution, la beauté des décors, la qualité de la mise en scène et de ses beaux travellings, "Mademoiselle" met surtout en place un délicieux jeu de tromperie cruel mais sensuel, pervers mais poétique, cru mais romantique. Dynamitant son récit par sa construction et ses touches d'humour, il brode un canevas totalement jouissif qui nous mène en bateau pendant 2h25 au fur et à mesure que les enjeux se révèlent. Dans cet univers où les hommes sont soit des pervers soit des escrocs, les femmes apparaissent plus fortes que jamais et à ce titre, Park Chan-wook donne aux deux héroïnes de son récit deux rôles magnifiques. Il faut bien saluer le talent et le courage des deux actrices Kim Tae-ri et Kim Min-hee qui se lancent à corps perdus dans leurs rôles, offrant des scènes d'une sensualité incroyable, s'installant dans la longueur pour mieux nous troubler. Le cinéaste filme les mensonges, les corps qui se mêlent, les désirs et les passions avec un œil toujours aussi acéré, affûtant sa mise en scène comme jamais, délivrant certainement l'une de ses œuvres les plus denses, bercée par une composition musicale particulièrement envoûtante...