Il est certain que voir un film de Park Chan-Wook suscite l’enthousiasme de tout cinéphile, et ça s’est vu aux multiples cris de joie des spectateurs lorsque son célèbre nom apparaît à l’écran.
Treize ans après Old Boy et trois ans après son dernier long-métrage, Chan-Wook revient dans un film qui lui convient à merveille. Mademoiselle et son pitch très complexe ravira sans aucun doute les fans de films coréens. Le film est divisé en trois parties, plus ou moins réparties équitablement dans le temps. Chan-Wook prend son temps pour décrire les personnages et leurs motivations, qui ne sont pas forcément ce qu’elles semblent être, bien sûr, dans un tel film, puis instaure et développe les relations passionnelles entre les différents protagonistes. On distingue clairement une grande habileté dans la trame de l’histoire, pas forcément complexe au point de perdre ses spectateurs, mais qui implique beaucoup de retournements de situation, qui reviennent remettre en question la position des personnages dans l’histoire. C’est bien cela le plus réussi ; cette histoire qui, de bout en bout, réserve des surprises, et surprend le spectateur vraiment souvent.
C’est aussi dans la réalisation que Chan-Wook impressionne, tant par la beauté des images que par l’incroyable mise en scène du film, notamment tout ce qui est tourné dans le palace. Et le film est accompagné magistralement par Jo Yeong-Wook, compositeur du film, qui apporte une aura supplémentaire au film, boosté par des musiques vraiment très belles, et qui reflètent l’état d’esprit du film.
Avec un tel réalisateur (et ici scénariste du film), on s’attend forcément à des personnages torturés, voire des psychopathes en puissance, ou même des personnages aux motivations imprécises. Ici, on a tout de cela. On commence par Jim Tae-ri, se donnant à fond dans son rôle de Sookee, engagée comme servante d’une riche maîtresse, interprétée par la diabolique Kim Min-Hee. Les deux s’engagent dans une relation complexe et sentimentale, se perdant petit à petit dans leurs jeux respectifs. On a affaire ici à une relation érotique, où le réalisateur n’essaie même pas de cacher leurs passions, et ça passe bien sûr par des scènes intimes, au début esquivées d’une caméra qui se veut discrète, mais finalement montrées et osées jusqu’au bout. Ha Jung-Woo s’interpose entre les deux. Tout ce beau monde s’insère dans une relation complexe, où l’on cache à l’autre sa vraie motivation. On s’intéresse alors au personnage de Sookee dans la première partie, que l’on prend en affection grâce aux petites touches d’humour que propose le métrage. On suit ensuite le parcours de la maîtresse dans la seconde et le sort se fixe pour les trois protagonistes dans la dernière. Chaque homme et femme du film sont bien écrits, captivants, et pour certains très étranges. Les trois parties ont un ton distinct, rendus possibles grâce aux voix off présentes dans les deux premières afin de posséder un point de vue interne à l’histoire.
Tout le film porte sur le désir et la passion, faisant de Mademoiselle un film d’une grande tension sexuelle. A contrario d’un Lolita où l’on en parle sans en voir, Mademoiselle ose montrer ce qui est pensé. On est captivé par l’essence du film, un jeu sentimental parsemé d’embûches et de faux semblants. Mais tout n’est pas prétexte à rendre le film axé sur le sexe, puisque tout au long du film subsiste une très grande tension, dû au schéma narratif subtil qu’emploie le film ainsi que les personnages et leurs passés qui ne sont pas gais. C’est une sorte de thriller angoissant, captivant, bouleversant, constamment mis à l’épreuve de machinations et de complots.
On pense à The Strangers, magistrale claque de cet été, à Dernier Train pour Busan, blockbuster coréen de zombies qui avait su proposer de bonnes choses, mais aucun film coréen de cette année, jusqu’à présent, ne peut surpasser Mademoiselle, véritable objet d’art, qui se plait à nous distraire par sa réalisation et par son scénario captivant.