La crise. Déjà. Mado s’ouvre sur une scène qui est très symptomatique. Des jeunes fraîchement diplômés, qui se plaignent des missions d’intérim, qui amèneront aux petits boulots, et périodes de chômage. L’un d’eux rêve du retour à la campagne. Il veut acheter une ferme. Quitter la ville, retrouver la terre. Devenir fermier. Le monde à l’envers, en plein capitalisme triomphant. Dans le microcosme petit bourgeois parisien, la classe des prolos, côtoie la classe moyenne. C’était déjà la galère. Le choc pétrolier. La crise. On a Dutronc, qui joue le comptable discret à lunettes. Et dans la bande, il y a la petite Mado. Elle ne se prend pas la tête, et couche avec des vieux friqués. Aussi naïve qu’intéressée, voilà Mado. Elle aime le confort donné par l’argent. Le chômage, connaît pas.
Simon, (Piccoli), promoteur immobilier, client, jaloux, et limite possessif. Il veut Mado pour lui tout seul. Et une histoire de magouille immobilière précipite les choses. J’aime cet effort de Sautet, qu’on ne cite pas toujours quand on parle de ses films références. Des gens qui se croisent, croisent le fer, se guettent. Requins financiers, (Julien Guiomar), contre un honnête entrepreneur, (Piccoli). La société où tous se fréquentent, sans vraiment se mélanger. Réalisme et comédie. Le parfait équilibre entre description d’une faune pittoresque, sans tomber dans de l’illustration de bistrot, ou de la démonstration, et réalisme social.
Ça vit, dans les bars, les bureaux, entre deux chambres. Les dialogues sont sur le pavé, et les intérêts sont les mêmes, malgré l’apparence bonne enfant. Chacun veut vivre, ou survivre. Dutronc fait l’homme à tout faire docile, Piccoli veut sauver son entreprise, les autres se contentent de vivre. Comme Mado. La parfaite petite gourde. La beauté de la jeunesse. On l’a voit peu finalement. C’est un peu un petit soleil, qui passe, s’éclipse, et met en lumière toute l’hypocrisie de ce beau monde. Jeune fille, et vieux messieurs. Et le film prend un tournant dramatique inattendu. Toute la bande se retrouve en pleine nature, coincée par le mauvais temps. La route est en travaux, et se transforme en fleuve de boue. La saleté, le froid, l’égarement. Magnifique moment de calme plat.
On change de film, d’ambiance, le temps s’est arrêté. Superbe métaphore de Sautet, qui peint les gens, et surtout leurs arrières pensés. Loin de toute civilisation, on se lâche. Mais comme on est chez un peintre de la vie mondaine, il n’y a pas de jeu de massacre. On continue à rire, à boire, on se réchauffe, mais le spectateur lui, aura compris. Les costumes sont salis par la boue, et au petit matin, les masques se déforment. Superbe portrait de groupe, tous perdus entre un moment de nature, et culture.
Le retour à la réalité se fait sans heurts. Mado a compris. Tout se paye dans la vie. Elle n’est qu’une catin, et les hommes n’hésiteront pas à l’utiliser, la manipuler, pour arriver à leurs fins. C’est comme ça. C’est le moment de passer à l’âge adulte. Assumer ses choix, et ne plus se cacher. Et comme rien n’est simple, il n’y a ni bons, ni méchants. Seulement le petit jeu social. Et une fulgurante apparition de Romy Schneider. Elle joue l’ancienne madame Simon, l’honnête entrepreneur. Alcoolique, mal dans sa peau. Elle peine à refaire sa vie, avec un homme à tout faire (Jean Bouise). De sacrés gueules dans ce film quand même. De sacrés paires d’acteurs. Que des « gueules », que des seconds rôles de choix. Un régal de seconds rôles qui marquent, à l’ancienne. Peut-être que son ex, elle l’a toujours dans la peau, d’où son mal à l’existence, son chagrin insolvable. Peut-être qu’il y est pour quelque chose, et qu’il vient la voir, par devoir. Simon, homme de devoir. Impressionnante actrice, cette Romy. Faire très peu de choses, et être toujours juste, c’est Romy. Mado c’est Romy, non ? Romy c'est Mado, mais en plus vieille. Usée trop tôt par la vie, les épreuves, et la perte des illusions.
Au fait, Simon. Toujours là à donner des leçons, très propre sur lui, honnète. Est-il si honnête que ça ? Pas sûr. Pas si sûr.