Main dans la main, mais à contre cœur pourtant ; je me rendais au cinéma. Parce que depuis une certaine bataille largement promue à coup de déclarations perso et de larmes je m’étais bornée à ne pas vouloir l’aimer, elle autant que son Elkaïm de muse, et du fait d’un mélange d’inconnu et de soupçon envers une esthétique trop lisse, je cultivais un rejet quasi-jouissif de Valérie Donzelli.
Infondées pourtant étaient mes réticences ; je n’avais et n’ai toujours pas vu La Guerre est déclarée, faute d’intérêt pour le sujet.

Main dans la main et les yeux dans les yeux, je vous le dis franchement, j’ai adoré, je me suis laissée surprendre comme n’importe quelle blondasse qui finit égorgée dans un pastiche de film d’horreur parce qu’elle a pensé judicieux de marcher à reculons alors que le meurtrier se cache derrière les rideaux, ceux-ci même se trouvant derrière elle. C’était nouveau, inattendu, osé, drôle et émouvant. Télérama et Paris Match diront même que c’est une « comédie savoureuse » tandis que Première soulignera les propos de Valérie Lemercier avouant avoir « apprécié jouer ce rôle si différent de ses précédents », détail criant d’inutilité. Et mes adjectifs que l’on pourrait attribuer à un bon 30 % des films actuels, couplés à toutes ces critiques brèves et vides de sens ne vous donnerons que plus envie encore de gerber vos pâtes de la veille et de ne pas aller voir ce film.

Alors ce que je vais vous dire ici ressemblera peut être au discours d’une jeune pucelle venant de rencontrer l’amour de sa vie, mais il est le seul qui pourrait vous convaincre d’aller voir ce film si comme moi vous avez envie de manger le papier glacé de tous les magazines culturels à l’énonciation du mot « révélation ». Après, si vous y allez pas, je m’en bas les steaks, j’ai pas mes parts sur les entrées.


Il y a certains réflexes, certains questionnements qu’il est difficile de ne pas adopter après une séance de cinéma parmi lesquels l’incessante interrogation sur la raison d’être de cet art. Et il est des films qui permettent d’entrevoir une réponse temporaire, qui soulagent un instant et lèvent le brouillard sur cette source de tant de doutes. C’est après quelques scènes et déjà quelques émotions, au cours d’un déroulement imprévisible et pendant que je m’attachais aux personnages que le jour s’est fait à mon esprit : pouvoir nous faire rêver à des choses que l’on imagine impossibles dans la vie, et qui pourtant paraissent si simple sur l’écran, imaginer de faire ces même choses et prendre le risque de les réaliser vraiment. Voilà l’un des pouvoirs qui fait du cinéma ce qu’il est. Pourtant, à l’écriture d’un scénario comme dans la vie en général, rares sont les personnes qui peuvent se targuer d’avoir su dépasser le réalisme plat et les conventions pour offrir une histoire naïve et lumineuse comme celle-ci.

A cette audace s’ajoute une certaine inventivité. Car l’amour ou son absence est au cœur de toutes les histoires, en réinventer les contours est toujours périlleux, surtout lorsqu’il est traité au premier degré, en tant qu’ « histoire d’amour ». Mais Main dans la Main est un film acrobate, qui sait rebondir sur une fine corde et travailler sans filet. La preuve en est le nombre de déçus par ce film qui a évité la couche de fond consensuelle au risque de perdre des spectateurs, mais pour en enchanter bien plus certains autres. C’est ainsi qu’on assiste à la lente matérialisation de ce qu’on pense pourtant insaisissable, l’alchimie inexplicable de l’amour. Et si ce film est aussi réussi, c’est qu’il n’est pas tout à fait fantastique, et réussi à faire pousser en nous la fougue pourtant bien enfouie par les couches de prudence que retiennent nos entrailles, si bien que sa fin est pour nous un nouveau début à nos histoires d’amour animées par l’envie irrépressible de se laisser aller sans retenue aucune.
Les allers et venues de Joachim et Hélène, leurs doutes et leurs certitudes constituent les parenthèses qui arrivent bien souvent dans les histoires mêlées de deux personnes, qui s’accrochent puis s’opposent, et se cherchent avant de ne pouvoir en faire qu’une. Et c’est bien ça qui donne au film sa grande part de réalisme, et nous fait par le même procédé, croire à la leur, d’histoire.

Une question subsiste pourtant : pourquoi diantre les héros courent ils toujours quand ils réalisent alors que la parenthèse est terminée ? Ces mêmes héros qui quelques scènes avant prenaient leur temps et la vie comme elle vient, pourquoi soudainement un sentiment d’urgence les font courir nus dans les rues de Paris ? L’amour serait il une substance volatile, dont les meilleures gouttes s’évaporent dès les premières ébullitions ? Quoi qu’il en soit, le schéma habituel et codée de l’histoire d’amour auquel s’intègre cette péripétie n’enclave jamais l’originalité de la narration et du déroulement de Main dans la Main, réfléchis et efficaces.

C’est au final un film tout aussi doux et inattendu que son titre qui nous est offert de voir, malgré les préjugés et les réserves, et pour finir d’achever les personnes qui n’ont pas aimé le film afin qu’elles perdent toute foi en moi à la fin de leur lecture, j’ajouterai que le choix de Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm est même réussi.
alexia
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le 20 janv. 2013

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