Avec son huitième long-métrage, le britannique John Schlesinger atteint le summum d'une filmographie honorable mais sans génie.
Dans la veine paranoïaque et complotiste qui caractérise le cinéma américain des années 70, "Marathon Man" est un thriller politique qui décrit la descente aux enfers d'un étudiant en histoire brillant mais solitaire (Dustin Hoffman, excellent), qui tente d'exorciser un passé familial douloureux par la pratique acharnée de la course à pied.
La mise en scène de Schlesinger contribue efficacement à l'atmosphère oppressante, grâce notamment à un rythme oscillant entre brusque montées d'adrénaline (l'agression de Doc à son hôtel parisien, celle de Babe et Elsa à Central Park) et passages plus calmes, où la menace mystérieuse ne disparaît pas complètement (la scène du restaurant où Doc piège Elsa).
Entretenant le mystère et l'angoisse par une narration elliptique et lacunaire, Schlesinger nous ballade de New York à Paris tandis que chaque nouvel élément du récit entretient davantage le flou qu'il n'éclaire la lanterne du spectateur. Un procédé qui favorise l'implication du public et l'identification au héros, tout aussi désorienté que nous dans la salle.
"Marathon Man", c'est aussi l'opposition entre deux conceptions radicalement différentes d'un même métier : d'un côté, Dustin Hoffman à l'implication quasi-maladive (il perdra 10 kilos pour le rôle), suivant à la lettre les préceptes de l'Actor's Studio ; de l'autre, Sir Laurence Olivier, digne représentant de la vieille école du théâtre anglais et d’un jeu à l’ancienne.
Ce duel au sommet entre deux générations de comédiens offre quelques moments d'anthologie, à l'image de la séquence terrifiante de la torture dentaire.
La distribution comprend également Roy Scheider en homme d'action flegmatique, Marthe Keller en jolie étudiante passionnée, ainsi que William Devane en agent gouvernemental charismatique.
Le principal bémol réside dans une dernière demi-heure nettement moins intense : la tension se délite quelque peu, des invraisemblances surgissent et certaines scènes apparaissent convenues, à l'image du dénouement.
S'il ne peut donc pas être considéré comme un véritable chef d'œuvre, "Marathon man" constitue un classique du cinéma paranoïaque des seventies.
Une très belle réussite qui rappelle les meilleurs films de Roman Polanski, avec un goût et un talent similaires de la part de Schlesinger pour l'épouvante teintée de surnaturel.