J’avais lu le roman de King il y a (très) longtemps. Ce qu’il m’en restait, c’était une sorte de parabole philosophique : la marche comme métaphore de la vie absurde, de la compétition sans sens, de l’obéissance jusqu’à la mort. Bref, un truc qui te faisait réfléchir plus que frissonner.
Le film, lui, ne m’a rien apporté de tout ça. Il montre, il illustre, il appuie là où ça saigne ; mais sans rien en dire. Du sang, de la sueur, de la merde, des têtes qui éclatent et des jambes broyées.
Utile, vraiment ?
À force de vouloir rendre la douleur visible, Lawrence en gomme le sens. Là où King te faisait sentir la souffrance par l’idée, le film la balance à la figure, brute, sans épaisseur.
Résultat : c’est glauque, lourd, et finalement creux.
On regarde des corps tomber au lieu de voir des consciences vaciller.
Et cette fin, mal bouclée, donne l’impression qu’on a traversé tout ça pour rien.
Pas un mauvais film, non ; mais un film qui a perdu en route ce que King, lui, faisait marcher : la pensée.
Reste un acteur à suivre, David Jonsson. C’est un peu le seul qui marche pour de vrai dans tout ça ; pas juste sur la route, mais dans la tête. Il a ce regard à la fois perdu et lucide, un mélange de peur, de fatigue et de révolte rentrée. Là où les autres font juste “subir”, lui laisse filtrer quelque chose de plus humain, presque tragique.
C’est un peu comme si lui, au milieu du vacarme et des tripes, se souvenait encore qu’il y avait une idée derrière tout ça.
Si le film tient debout, c’est parce que Jonsson, lui, ne joue pas un survivant : il joue un gars qui comprend qu’il ne devrait même pas être là. Et ça, mine de rien, ça redonne un peu de dignité à cette boucherie visuelle.