C'est l'histoire vraie d'une petite frappe de quartier devenue champion (du monde? Là est le suspens) de boxe. Typiquement le genre de trame qui *baiiiille* m'en bouge une sans remuer l'autre.

Oui mais voilà. L'ensemble est traité avec une sincérité qui emporte largement le morceau et qui, s'il n'évite pas tous les clichés, n'en demeure pas moins touchant, mémorable et puissant.
Allons même plus loin: c'était plus la peine de faire d'autre biopic de boxers après celui-là. Il avait (presque) tout dit.

Sincérité du récit.
Appuyé sur la vie de Rocky Graziano, de son vrai nom Barbella (un carton d'ouverture cite le vrai Rocky qui assure que ce que nous allons voir est absolument fidèle à ce qu'il a vécu), le scénario est, de manière salutaire, débarrassé des scories habituelles de faiseurs d'histoire modernes sortis des écoles de scénaristes formatés: Rocky n'est rien d'autre qu'un délinquant sans avenirs ni perspectives, qui ne voudra jamais ce qui lui arrive (ce sont les autres qui insistent pour le sortir de là, puisque eux seuls voient ce dont il est capable), ne s'entraine jamais pour réussir, commet un nombre incalculable d'erreurs, et n'est motivé que par un dégout absolu de son pochetron de père (d'où le titre français balourd -une tradition- et somme toute trompeur).

Sincérité du décors.
Dans cette histoire qui ne quitte presque jamais Brooklyn, on a peu à peu l'impression de faire parti du quartier, de connaître ses habitants, de vivre au milieu de ses flics, de ses truands, de ses familles populaires et de ses marchands de friandises. Les plans de la ville, apparentant à une époque révolue (un tel point de vue sur le pont de Brooklyn n'est plus possible aujourd'hui, proposant au premier plan les poubelles entassées au pied des immeubles abimés) sont magnifiques, servis par un noir et blanc classieux. Les plans de boxes, plutôt furtifs -on s'attarde pas outre mesure sur les combats- sont eux aussi somptueux et ont grandement influencés Scorsese pour son Raging Bull.
Robert Wise avait déjà donné dans le registre de la boxe (le sublime "nous avons gagné ce soir") et on le sent parfaitement maître de son art.

Avec une intuition géniale et hyper moderne, consistant à davantage suivre les réactions des gens qui aiment Rocky écoutant le match à la radio, plutôt que de suivre le combat lui même, devançant en cela nombre de reportages actuels sur les compétitions sportives, le final a provoque une émotion d'autant plus forte qu'elle est simple. Une émotion, en tout cas, dont je ne pensais pas capable pour un tel sujet.

Newman est jeune, Newman est beau, Newman joue parfaitement le jeune rital fonceur, charmeur et pas super fute-fute.

Bref, vous l'aurez compris, si vous ne deviez voir qu'un film sur un la boxe, ce serait forcément un Robert Wise. Et plutôt celui-là.
Victoire de Barbella par K.O., dès le premier round.
guyness

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