Mary Jane's Mishap
6.4
Mary Jane's Mishap

Court-métrage de George Albert Smith (1903)

Dans les années 1896-1901, George A.Smith a exploité de façon innovante ou audacieuse le slipt-screen (Santa Claus), le plan subjectif et le gros plan (As seen through a telescope, Grandma reading glass), le flou délibéré (Let me dream again) et s'est même frotté précocement à la science-fiction (le dinosaure cheap The X-Rays). Les expérimentations sont maintenant accomplies, Smith se perfectionne et se lance dans des projets plus ambitieux en terme de scénario et de contenu, où il compile ses trucages.


Mary Jane's Mishap en est le principal exemple. Il suit l'ultime mésaventure d'une femme de ménage délurée, provoquant une explosion mortelle avant de réapparaître en fantôme. Ces deux effets sont modérément réussis. Le ton naïf permet de mieux faire passer l'explosion et l'ascension 'chimique' ; pour le fantôme, la surimpression est nette même si l'effet reste primitif. Sur ce terrain, Méliès est bien plus éloquent et d'autres films anglais ont déjà exploré le secteur : en premier lieu Explosion of a Motor Car (1900 – Cecil Hepworth) où un véhicule se retrouve en morceau d'une scène à l'autre, avec quelques vapeurs pour crédibiliser la transformation.


C'est par ses mélanges et sa quantité de procédés que le film s'élève. MJM contient douze plans répartis sur trois scènes, alterne les échelles entre plans moyens, gros ou larges. Il verse dans un registre non-conventionnel en exploitant l'humour splapstick via les péripéties et même l'allure de son cobaye, interprété par l'épouse de Smith, Laura Bayley (plusieurs fois son actrice [Santa Claus, Let me dream again], cette fois la principale), avec laquelle il formait le couple du Baiser dans un tunnel (1899). Son jeu est fantaisiste et la fait ressembler à une espèce de folle stéréotypée. Cette attitude et le penchant surnaturel font verser le film dans la comédie fantastique voire le cartoon.


Ce film « far ahead of its time » comme l'affirme l'historien/critique John Barnes et de nombreux conservateurs ou académiciens du cinéma a aussi deux autres caractéristiques : l'originalité (ou la tentative) et une certaine tiédeur finale. Le résultat est assez rigide et la démonstration manque de nerf, ce qui créée un contraste avec la lourdeur 'enfantine' de la loufoquerie. Elle est due aux moyens à disposition (recours comparable au surlignage dans An Over-Incubated Baby, plus fluide mais chargé en écrits) et donc aux limites du muet, mais renforcée par la lenteur du développement et l'obsession pour une expressivité radicale (tutoyant les limites 'hystériques' du cinéma muet burlesque, mettant tout dans le physique).


Hors de ses films-éclairs novateurs, Smith n'est pas si performant et ne sait pas forcément couper ou accélérer à temps. Il n'a pas l'efficacité de l'Audacieux cambriolage de Mottershaw (sorti deux mois plus tard) ni des chase films en général, courant qui s'apprête à éclore. Mais au-delà de son avance technique, il lui reste l'humour et le goût de l'insolite pour mater la concurrence.


https://zogarok.wordpress.com

Créée

le 6 oct. 2016

Critique lue 306 fois

1 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 306 fois

1

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2