- Je connais la règle. Ne jamais essayer de négocier. Tout agent qui tombe est sacrifié. La mission a été sabotée. Quelqu'un m'a dénoncé par téléphone. Moon avait un complice à l'Ouest. Son père lui même qui le dit.
- Que ce soit le cas ou non, ça ne change pas grand chose.
- Pour moi, ça change tout. C'est là même personne qui m'avait déjà piégée l'an dernier qui vient de permettre à Zao de rentrer chez lui. Et je suis résolue à découvrir de qui il s'agit.
- Vous ne partirez d'ici que pour notre centre d'évaluation des iles flocampbles. Vous n'êtes plus agent double 0.
- Je suis toujours prisonnier ?
- Oui. Tant que j'estimerai que c'est nécessaire.
- Vous n'êtes plus opérationnel.
Petit hommage :
Chaque fois que le générique de fin de Meurs un autre jour défile, j’ai un pincement au cœur de nostalgie et de gratitude qui me serre la gorge. Pierce Brosnan, c’est le James Bond de mon enfance, celui qui m’a ouvert les portes de cette saga gigantesque et intemporelle. Grâce à lui, j’ai plongé dans l’univers 007 avec ses missions impossibles, ses ennemis marquants et atypiques, ses instants de pur glamour, et ses génériques d'ouverture. Et si je reste à jamais amoureux de cette licence, il m’est toujours difficile de dire adieu à Brosnan dans le smoking de Bond. Cet ultime opus pour le comédien n’est pas seulement la fin d’une ère pour lui, mais marque aussi la clôture d’une façon de concevoir la série, avec ses continuités plus ou moins assumées entre les films. Après viendra le grand reboot avec un nouveau visage, celui de Daniel Craig, et une relecture totale de l’agent 007, depuis ses débuts jusqu’à sa conclusion. Mais en 2002, avec Meurs un autre jour, on ferme un chapitre. Alors, merci Pierce pour ce mélange unique de classe et de charme ravageur, pour cette façon percutante de mener l’action, et pour avoir su s’entourer de Bond Girls qui n’étaient pas que des silhouettes décoratives, mais de véritables partenaires d’aventure. La force de James Bond, c’est que chacun a son incarnation préférée. Pour moi, ce sera toujours toi. Et c’est peut-être là mon seul regret, ne pas avoir eu droit à un dernier tour de piste à tes côtés, alors que tu étais encore prêt et motivé. L’âge avançait, les producteurs ont dit au revoir, et moi je te rends hommage.
La fin d’une époque
Meurs un autre jour, réalisé par Lee Tamahori, occupe une place particulière dans l’histoire de James Bond. Vingtième opus de la saga, il s’impose comme le premier film de 007 du XXIᵉ siècle, marquant à la fois la quatrième et dernière incarnation de Pierce Brosnan (snif !), mais aussi le quarantième anniversaire de la franchise. Pour l’occasion, le film regorge de références aux épisodes passés, multipliant les clins d’œil pour les amateurs de longue date. Lors d'une scène on visite l’atelier de Q, permettant de revisiter plusieurs gadgets mythiques comme la chaussure à pointe empoisonnée de Rosa Klebb dans Bons baisers de Russie (1963), le jet-pack d’Opération Tonnerre (1965), le casque jaune de plongée de Rien que pour vos yeux (1981) ou encore le sous-marin crocodile d’Octopussy (1983). D’autres hommages ponctuent le film, à l’image de la sortie de l’eau de Halle Berry, en bikini orange, ceinture blanche et poignard à la cuisse s'avérant être une réinterprétation directe de l’entrée iconique d’Ursula Andress dans James Bond 007 contre Dr No (1962). On note aussi des clins d’œil plus discrets, comme le magazine High Life que feuillette Bond dans l’avion, où l’on peut lire en rouge : « Les diamants sont éternels, pas la vie », référence évidente au film Les diamants sont éternels (1971), et plein d'autres références à tous les opus. Malgré ce festival, Meurs un autre jour se distingue surtout par son ambition à vouloir être l’opus le plus sophistiqué de la série sur le plan technique, en introduisant une direction artistique renouvelée (que l'on peut voir dès l'apparition usuelle de Bond qui tire sur l'écran qui se met à dégouliner de sang), des effets spéciaux massivement appuyés par les CGI (pour le meilleur comme pour le pire) et une volonté assumée de moderniser la formule Bond. Une modernisation audacieuse et un brin maladroite conjuguant innovation et respect de l’héritage. On a souvent reproché à James Bond de n’être qu’un enchaînement de clichés. Pourtant, avec cet opus on sent une véritable volonté de redonner un coup de jeunesse à la saga tout en conservant, par moments, l’atmosphère et la grandeur des épisodes classiques. Une célébration du passé sur une tentative de projection vers l’avenir.
Bien que déjà amorcée dans la saga 007 par Pierce Brosnan, Lee Tamahori insuffle à Meurs un autre jour une énergie visuelle plus nerveuse et résolument moderne que ses prédécesseurs, mais cette fois-ci poussée à son paroxysme. Il opte pour un rythme soutenu, avec des scènes d’action chorégraphiées qui flirtent parfois avec l’esthétique vidéoclip, ce qui ne me dérange pas, à l’exception de quelques ralentis mal intégrés. Cette nervosité se marie parfaitement au scénario du duo Neal Purvis et Robert Wade, qui signent là leur deuxième Bond après Le Monde ne suffit pas. La photographie de David Tattersall s’accorde à merveille avec les décors de Peter Lamont qui est un véritable pilier de la saga. Lamont livre l’un de ses travaux les plus ambitieux : du centre de détention nord-coréen aux teintes chaudes de Cuba avec son laboratoire secret digne d’un savant fou, jusqu’au somptueux palais de glace islandais. Ce dernier, que l'on découvre lors du lancement d’Icarus, constitue un repère d’antagoniste idéal, à la fois spectaculaire et mémorable. L’idée en revient à Barbara Broccoli, inspirée par un magazine présentant un hôtel de glace construit chaque année en Suède. Ce décor emblématique trouve un écho dans l’avion du méchant principal, véritable QG de super-vilain parfait pour accueillir la bataille finale. L’ensemble offre une grande variété de lieux à l’identité marquée, contribuant pleinement à la narration, même si certains effets numériques viennent parfois en atténuer l’impact visuel. Les costumes de Lindy Hemming qui est habituée de l’ère Brosnan, apportent eux aussi une réelle richesse, offrant à chaque antagoniste un style distinctif qui renforce leur caractère. Du côté musical, David Arnold, fidèle compositeur de cette période, modernise encore davantage le son Bond, mêlant orchestration classique et touches électroniques. Quant au thème principal, interprété, écrit et composé par Madonna, il reste sans doute le plus expérimental de toute la saga, et le plus clivant. Mais certainement pas pour moi, bien au contraire, j’en suis fan. En rompant radicalement avec les grandes ballades orchestrales traditionnelles, cette chanson s’inscrit dans la volonté du film de rajeunir la saga. Elle accompagne de manière inédite et magistrale une séquence montrant la torture et la détention prolongée de Bond, accentuant la noirceur et l’originalité de cette ouverture. Je ne me lasse jamais de revoir ce générique d’introduction, qui pour la première fois, a une réelle utilité dans le scénario.
Parmi les nouveautés rafraichissantes, il en va de même pour la création des gadgets de Q. La réalité virtuelle fait son apparition dans les entraînements de Bond, mais c’est surtout la fameuse Aston Martin V12 Vanquish, dotée d’un système de camouflage optique, qui aura marqué les esprits et aura déclenché de vives polémiques qui encore aujourd'hui sont de rigueur. Je vais être clair, je suis un fervent défenseur de cette voiture. À sa sortie, son camouflage actif me paraissait extraordinaire, et il me surprend toujours que l’on continue à la juger comme une aberration totale. On peut bien sûr ne pas aimer le concept, mais le qualifier de grotesque, d'impossible ou de tiré par les cheveux est un jugement bien hâtif. Car, mesdames et messieurs, sachez que cette technologie était déjà en gestation au début des années 2000 à travers le travail d'un ingénieur japonais qui développait une surface de camouflage actif, et Mercedes ira même jusqu’à concevoir, pour sa Classe B F-Cell, un système utilisant des LED pour reproduire en temps réel les images filmées par une caméra embarquée et ainsi créer sa propre voiture à camouflage optique. Alors, toujours aussi irréaliste ? Ce qui m’amuse, c’est que l’on a longtemps accepté sans sourciller une voiture sous-marine, des gadgets variés usant du laser, d'une mâchoire en acier chirurgical de Requin… mais qu’une voiture à camouflage optique puisse exister, là non, ça ne passe pas. D’autant plus que, dans Mission Impossible : Protocole Fantôme, le fameux projecteur à image optique qui dissimule un couloir entier n’a déclenché aucune polémique similaire. Alors, au vu de ces arguments je le dis haut et fort : l’Aston Martin V12 Vanquish de James Bond mérite d’être réhabilitée. « Aston Martin l’a créée pour le plaisir des yeux, nous nous l’avons fait… Disparaître ! »
- Je suis Mister Kil.
- Il y a des noms de famille qui tuent !
En matière d’action, Meurs un autre jour fait preuve d’une générosité folle. Dès l’introduction, le ton est donné avec une course-poursuite explosive en hovercraft qui nous emporte dans un tourbillon d’adrénaline et nous coupe littéralement le souffle. Et cette intensité ne faiblira pas. Tout au long du film, Bond enchaîne les confrontations spectaculaires, chacune ayant sa personnalité et son lot de frissons. Parmi elles, je savoure particulièrement le long duel à l’épée opposant Bond à Gustav Graves, chorégraphié avec intensité pour un résultat jubilatoire. Madonna y fait d'ailleurs une petite apparition dans le rôle d’une instructrice d’escrime. Plus tard, Bond affronte pour la première fois Zao dans un laboratoire de savant fou , pour un résultat percutant qui met l'eau à la bouche. On verra même 007 affronter Mr. Kil au milieu d’un enchevêtrement de rayons laser dans une séquence folle. D’autres moments sont plus discutables, comme l'infiltration en surf lors de l'introduction du film, ou encore la course effrénée pour échapper au rayon du satellite Icarus. L’idée est excellente, mais voir Bond sauter dans le vide pour surfer sur une vague de glace à l’aide des débris de son véhicule frôle le grand n'importe quoi. Heureusement, d’autres affrontements rattrapent largement la mise, notamment l’extraordinaire duel automobile sur la banquise entre l’Aston Martin V12 Vanquish de Bond contre la Jaguar XKR blindée de Zao. Les deux bolides déploient tout leur arsenal dans une chorégraphie mécanique aussi brutale que jouissive. Le final ne manque pas de panache non plus à bord de l’avion de Graves, Jinx et Miranda Frost s’offrent un duel à l’épée d’une belle vigueur, qui se conclut par un échange percutant :
« — Ah, je lis en toi comme dans un livre !
— Ah oui ? Et bien lis ça… pute ! »
Vient enfin l’affrontement ultime entre Bond et Graves. D’un point de vue chorégraphique, ce n’est pas le combat le plus impressionnant de la saga, mais il a le mérite de divertir. Graves arbore une véritable armure de combat capable de générer de l'électricité qui semble tout droit sortie d’un film fantastique. La manière dont il trouve la mort à le mérite de me procurer un plaisir des plus satisfaisants.
Pour sa dernière incarnation de James Bond, Pierce Brosnan livre une interprétation radicalement différente du personnage. Pour cet opus, l’agent 007 est mis à rude épreuve, d'abord capturé puis enfermé quatorze mois durant dans une prison nord-coréenne où il y subit tortures et humiliations jusqu’à ressembler à un Robinson Crusoé moderne, un rôle qu’il avait d’ailleurs déjà endossé en 1997 sous la direction de Rod Hardy et George Miller. Cette fois, la vengeance n’est pas motivée par l’amour perdu d’une femme ou la mort d’un ami, mais par un besoin viscéral de justice personnelle. Destitué temporairement de sa licence de tuer, Bond doit se faire justice et reconquérir son statut. Brosnan délaisse en partie le charme raffiné qui le caractérisait pour adopter une approche physiquement plus brute et ça fonctionne. Il continue malgré tout de nous régale de ses joutes verbales. Halle Berry, dans le rôle de Giacinta Johnson alias “Jinx, la poisse” , est un parfait contrepoids à ce Bond revanchard. Leur alchimie est évidente et offre un duo à la fois séduisant et redoutable, aussi prompt à échanger des regards coquins qu’à manier les armes. Je regrette d’autant plus que la saga Brosnan se soit arrêtée là, car Jinx aurait mérité de revenir dans un autre Bond. Côté antagonistes, Toby Stephens incarne Gustav Graves, un méchant à double visage puisqu’il n’est autre que le colonel nord-coréen Tan-Sun Moon par un Will Yun Lee convaincant, ayant changé d’identité. J’apprécie particulièrement ce personnage qui est le miroir inversé de Bond. Il est arrogant, manipulateur, doté de son propre “Q” et de son propre réseau d’infiltration. Graves s’inspire même de Bond pour façonner sa nouvelle identité, ce qui renforce leur opposition. Son armure électrique le rend indéniablement caricatural, mais cela s’inscrit dans une tradition bondienne où les vilains hauts en couleur ont toujours eu leur place. Un clin d’œil méta bienvenu pour conclure la saga avant le reboot.
Le bras droit de Graves, Zao par Rick Yune, bénéficie d’une mise en avant rare pour ce type de rôle. Avec son visage constellé d’éclats de diamant et son allure spectrale, il représente un adversaire physique coriace pour Bond et aurait pu à lui seul incarner l'antagoniste principal, c'est d'ailleurs ce que l'on pense durant un moment. À ses côtés, Rosamund Pike livre une prestation savoureuse en Miranda Frost, agent double qui, sous ses airs de sportive glamour, se révèle être une véritable “veuve noire”. Les figures emblématiques de MI6 sont aussi de la partie. Judi Dench campe une fois encore une "M" implacable, rôle qu’elle reprendra dans l’ère Craig. Samantha Bond nous offre un adieu aussi drôle que suggestif dans la peau de Moneypenny, avec une scène d’amour torride avec Bond qui s’avère n’être qu’une simulation virtuelle. Enfin, John Cleese, qui succède officiellement à Desmond Llewelyn en devenant le nouveau "Q" après avoir été "R", tire également sa révérence, comme l’ensemble des personnages secondaires historiques de l’ère Brosnan. Il est important de noter qu'en plus de rendre hommage à l'ensemble des films Bond à travers les gadgets de "Q" par le regretté Desmond Liewelyn, disparu quelques temps plus tôt mais qui avait pu tirer officiellement sa retraite de manière respectueuse dans le film précédent avec Le Monde ne suffit pas, John Cleese rend directement hommage au Q original en répétant l'une des phrases emblématiques du personnage dans le film Goldfinger (1964). « Comme je l'ai appris de mon prédécesseur, Bond. Je ne plaisante jamais à propos de mon travail. »
CONCLUSION :
Meurs un autre jour, réalisé par Lee Tamahori, est un Bond paradoxal car il est à la fois un hommage appuyé à quarante ans d’histoire bondienne et une vitrine technologique du renouveau de la saga. Clairement audacieux, il revendique l’envie de bousculer la formule et de propulser 007 dans un nouveau siècle avec une énergie revigorée, quitte à diviser. Tout n’y est pas parfaitement maîtrisé, mais derrière ses excès se déploie un spectacle généreux, visuellement frappant et riche en clins d’œil pour les fans, amorçant la transition vers un Bond qui entre dans le XXIème siècle. Un adieu plus ou moins flamboyant à l’ère Brosnan, impossible à ignorer tant Pierce Brosnan aura marqué la saga de sa présence.
L’ultime éclat de l’ère Brosnan.
- J'avais entendu parler de cet endroit, mais… je n'aurai jamais cru que j'y mettrai les pieds.
- Certaines choses doivent rester souterraines.
- Station abandonnée pour agents abandonnés. Votre carton d'invitation.
- Que savez-vous sur Graves ?
- Vous m'éliminez… Et ensuite vous me demandez mon aide.
- Vous vous attendiez à des excuses, peut-être ?
- Oui, je sais. Vous êtes prête à tout pour mener une mission à bien.
- Tout comme vous.
- Sauf que moi je n'irai pas compromettre un agent.
- Je ne peux pas m'offrir le luxe d'avoir une vision aussi manichéenne des choses. Pendant votre absence, le monde a changé.
- Pas pour moi !