Les "James Bond" des années Brosnan ont tous un côté froid et aseptisé, sans âme et sans beaucoup de vie. La technologie prend de plus en plus de place pour en mettre plein la vue au spectateur qui en veut pour son argent. Mais tout ça manque cruellement de charme ; ce qui était l'apanage de la série depuis sa création jusqu'en 1987. Permis de tuer (1989) avait un peu ouvert la voie dans ce sens, mais n'était pas encore complètement tombé dans ce travers. Les "Bond" de Brosnan, et de Craig ensuite dans la nouvelle série, n'auront plus jamais le charme des épisode pré-numériques.
Cependant, Meurs un autre jour est certainement le plus réussi des "James Bond" de la fin de la série historique. Il est seulement dommage d'avoir dû attendre le dernier film de Brosnan pour le sentir enfin dans le personnage. Sans doute est-ce dû à sa capture et son emprisonnement au début qui le rendent enfin vraiment humain et faillible, au lieu de toujours camper ce bellâtre en représentation permanente. Et cette sensation tient durant la majorité du film.
Film qui marque d'ailleurs le quarantième anniversaire de la série et qui est en partie construit sur des éléments du passé pour nourrir le scénario de ce vingtième Bond officiel. On peut s'amuser à répertorier les plus flagrants (la sortie de l'eau de Jinx (Bond 62), les patients traités sous hypnose (Bond 69), le parachute Union Jack (Bond 77), le laser à découper les agents secrets (Bond 64), et le cigare à oxygène (Bond 65). Le fan-service s'exprime à plein dans le labo de Q (cf. le célèbre "You must be joking !" de Goldfinger) où l'on peut retrouver quelques gadgets historiques (la mallette truquée et la chaussure piquante de Bons Baisers de Russie, le jet-pack d'Opération Tonnerre ou l'avion de poche d'Octopussy). Et, bien sûr, le plus évident de tout le film est le satellite de diamants des Diamants sont éternels qui est très actif dans l'histoire. On remarquera aussi que Bond se prétend ornithologue comme l'authentique James Bond dont Ian Fleming s'est inspiré pour lui donner son nom.
Meurs un autre jour est cette fois-ci plus axé sur l'enquête de Bond que sur l'action pure et les cascades bourrées d'explosions. Ce qui le rend beaucoup plus appréciable que ses trois prédécesseurs. Malheureusement, il fallait bien que toutes ces bonnes intentions soient gâchées d'une manière ou d'une autre. Le grotesque revient donc en force avec la voiture invisible. Qui en plus ne sert à rien vu que l'adversaire aussi a une voiture ultra-gadgétisée. La poursuite sur la glace se transforme plus que jamais en concours de "celui qui a la plus grosse" et on s'emmerde prodigieusement. Et que dire du foutage de gueule de la séquence de kite-surfing improvisé après la chute d'un morceau de banquise dans l'océan. Le tout, avec un brushing impeccable et presque sec ! Of course. Lamentable.
Et puis, comme d'habitude, la fin s'éternise dans une scène d'avion dont l'issue nous renvoie cette fois à Tuer n'est pas jouer (l'échappée par l'arrière).
Pour la distribution, c'est plutôt réussi du côté féminin (Berry et Pike), mais moins du côté masculin (Toby Stephens a une sacrée tête de con), sauf le contact cubain de Bond qui est très bien. La première heure du film jusqu'au retour à Londres (utilisation malvenue de "London Calling" des Clash dans la B.O.) annonce dans son traitement ce que sera la nouvelle série avec Daniel Craig. Dommage donc qu'ils n'aient pas pu se retenir jusqu'à la fin de tomber dans leurs excès habituels.
Et puis, ce film est aussi celui du pire générique de tous les "James Bond" ; image et son. Surtout le machin commis par Madonna qui est vraiment infect (auto-tune partout, pas de mélodie, que du rythme, une vraie bouse).
Bref, à son tour Pierce Brosnan quitte la série, qui s'arrête également après 40 ans de bons et loyaux services, pour mieux ressusciter quatre ans plus tard en reprenant les choses aux origines (Casino Royale), jamais tournées dans cette première série.