Junior,jeune et beau garçon,débarque à Miami où il compte bien réussir.Mais pour ce criminel fou-furieux et ultra-violent,la réussite est un concept très particulier.Il s'agit pour lui de ramasser le maximum d'argent en un minimum de temps.Ainsi,à peine arrivé en Floride,il multiplie les agressions,les vols et les meurtres,allant jusqu'à tabasser un flic pour lui dérober son arme et sa plaque.Ce qui lui facilite grandement la tâche,car il a une spécialité consistant à voler ses semblables,délinquants et criminels,ce qui est encore plus aisé à faire en se faisant passer pour un policier.En fait,Junior cultive une sorte de syndrome de Robin des Bois,sauf qu'il garde l'argent pour lui.Il passe donc son temps à sillonner la ville,à l'affût des agressions commises par ses collègues,pour ensuite détrousser voleurs à la tire,braqueurs,pickpockets,trafiquants de drogue,bookmakers et autres receleurs,tout en s'étant au passage mis en ménage avec une petite pute stupide,inconsciente,naïve et romantique.Et il ne manque pas de taf car des truands il en découvre tous les jours,à tous les coins de rue.Miami est présentée comme une ville certes ensoleillée mais aussi craspec et terriblement criminogène.Mais que fait la police?Eh bien,le film choisit le réalisme,on n'est pas dans "Deux flics à Miami",avec ses keufs décontractés,rigolards et fashion victims,qui résolvent les enquêtes à la chaîne et à toute vitesse.Ici,les flics sont vieux,gras,moches,corrompus et inefficaces.Toutefois le sergent Hoke Moseley,celui-là même que Junior a salement amoché et humilié,va vouloir prendre sa revanche et se met à traquer le salopard.En résulte un film tendu,glauque,moite,poisseux,pessimiste,amoral,baroque,parfois excessif et baignant dans une violence radicale.C'est plein de personnages zarbis,de détails sordides,d'images sanglantes,de dialogues insolites comme ceux qu'échangent un policier et une prostituée s'indiquant des recettes de cuisine,avec quelques scènes de sexe en prime.Autant le dire,c'est pas vraiment tout public.Non seulement la violence est explicite,mais elle a des conséquences visibles.Les protagonistes ne se remettent pas vite fait de leurs blessures et rarement a-t-on pu voir des personnages autant maltraités dans un thriller,au point que ça confine au sadisme.Junior est clairement l'aboutissement,poussé à son paroxysme,de la folie d'un monde moderne dont l'argent vite gagné est la seule valeur mais le film évacue le psychologisme qui l'aurait alourdi et préfère définir les personnages par leurs actes.La narration est limpide,le rythme soutenu et la musique,cool et pêchue,accompagne impeccablement le mouvement.C'est réalisé par George Armitage,cinéaste de série B d'action trop peu connu par chez nous et dont le "Vigilante Force",en 76,valait déjà le déplacement.Il a également écrit le scénario,tiré d'un roman de l'excellent auteur de polars Charles Willeford,décédé au moment du tournage et à qui le film est dédié."Miami Blues" est le premier d'une série de livres narrant les aventures de Hoke Moseley,flic usé,fauché et pas très malin qui a tout de l'anti-héros.C'est Fred Ward,grand comédien des années 70-80,qui l'incarne,et il est aussi co-producteur du film avec notamment un certain Jonathan Demme.Alec Baldwin est impressionnant dans le rôle de Junior,dont il exprime avec subtilité la dinguerie irréversible.La formidable Jennifer Jason Leigh,pas franchement jolie mais très sexy,est touchante dans le personnage de Susie,dont les rêves de petite fille se brisent sur la dure réalité de la vie et l'impitoyable fatalité.Parmi les seconds couteaux émerge ce vieux dur à cuire de Charles Napier en flic désabusé au bord de la retraite,et on remarque la brève apparition de la grosse Shirley Stoler,qui fut l'immonde serial-killeuse des "Tueurs de la lune de miel".