Le second film d'Ari Aster est une intéressante opportunité d'en découvrir un peu plus sur le style de ce réalisateur, en le comparant à son précédent effort Hérédité. Et on constate très vite de nombreux points communs, allant de la structure de la trame (des individus en plein deuil qui traversent d'encore plus horribles évènements) aux détails ésotériques (les runes/les symboles) ainsi que sur la définition même du cinéma horrifique, qui prend avec Ari Aster une nouvelle dimension. Ari n'est pas un virtuose de l'horreur comme James Wan ou son plus modeste concurrent Scott Derrikson. Ari ne veut pas faire peur (donc pas de jump scare, seulement des plans chocs). Il cultive l'ambiance (ce qui ravira les amateurs d'horreur à l'ancienne), mais il se plaît toujours à développer un contexte de plus en plus étouffant et glauque, dont le climax bascule dans une horreur "déconnectée", où la logique s'abolit et où le film largue les amarres pour partir dans son trip. Ari Aster fait des films horribles avant de faire des films d'horreur.


Midsommar est très long, et prend tout le temps nécessaire à faire intégrer à ses personnages et au spectateur (qui subira les mêmes hallucinations visuelles que les protagonistes au fur et à mesure du film) les codes et les coutumes de cette communauté, dont le grand soin apporté aux détails et au cadre de vie contribuent grandement à l'immersion. On est, comme eux, en étude sociologique et dans un espace coupé du monde, en plein état de découverte. La première scène choc, qu'on sent arriver, est un réel bonheur question efficacité, car dès lors, le film a posé le ton, et confronte abruptement au dilemme de l'appréciation culturelle. Est-ce parce qu'une coutume semble barbare (alors qu'elle est admise par toute la communauté) qu'elle est incompréhensible et donc inacceptable ? Et par tolérance, nos héros choisissent donc de ne pas réagir au premier évènement, première étape de la grande cérémonie du solstice. Après cela, les protagonistes deviennent assez placides, disparaissant les uns après les autres sans créer de réaction réelle, ce qui est un peu étrange sans être radicalement incohérent (dans le contexte, il serait possible de voir des gens se tempérer malgré l'inquiétude). L'intérêt se recentre de tout façon sur le couple et sur la façon dont les deux personnages feront face aux évènements, chacun y prenant part selon les règles communautaires.


L'approche du culte du soleil est curieuse dans ce film. Ari Aster est constamment partagé entre le sérieux papal des rites et leur signification spirituelle (c'est ce qui densifie considérablement le film sur la durée, la découverte est toujours aussi passionnante) et le ridicule moqueur qui rejaillit lors des gros points clés du rite (le guide spirituel, attardé mental difforme issus d'inceste, le rituel de fertilisation, la grand messe finale). Il était assez curieux d'entendre des éclats de rire dans la salle alors que l'ambiance du film visait un certain climax, qui bascule dans un ridicule volontaire qui ne trahit pas les objectifs de la communauté, mais qui fait prendre trop de distance pour ne pas s'en moquer. Ainsi, le climax rituel final ne peut s'empêcher un dernier détail comique, une drogue anti-douleur sensée faire partir dans la dignité des désignés volontaires... qui vivent leur agonie sans la moindre atténuation. Ari Aster a aussi son petit sens de l'humour.


Il résulte de Midsommar une expérience intéressante, en tout cas assez inhabituelle pour marquer le spectateur. Moins surprenant mais nettement plus travaillé que son précédent effort, il confirme que Ari Aster est un réalisateur atypique qui mérite notre attention assidue.

Voracinéphile
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le 2 sept. 2019

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