En 2018 débarquait sur nos écrans Hérédité, mettant un bon coup de pied à la fourmilière du genre horrifique moderne. Annoncé par bon nombre de cinéphiles comme étant un long métrage novateur, ce dernier était davantage un retour aux sources, un film d'épouvante à l'ambiance glauque et intimiste comme seuls les sixties et seventies pouvaient nous en fournir.
Surtout, Hérédité dévoilait un nouveau cinéaste bourré de talent; Ari Aster alors simple novice, au même titre que David Robert Mitchell avec It Follows en 2014 ou encore Jordan Peele et son jouissif Get Out il y a deux ans.
Midsommar, deuxième film d'Ari Aster donc, faisait inévitablement parti des grosses attentes de cette année. Accoucher d'une très belle oeuvre pour son premier coup d'essai est déjà un exploit en soi mais réussir à enchaîner et ne pas décevoir par la suite est encore plus casse-gueule,le mitigé et brouillon US en est le parfait contre-exemple ( coucou Jordan)
Ce qui saute au yeux, LITTÉRALEMENT, avec Midsommar c'est sa richesse visuelle. Là où Hérédité était dans l'ensemble assez sobre avec quelques effets de mise en scène placés avec parcimonie pour distiller une tension, Midsommar t'en met plein la vue.Beaucoup.A chaque plan.Tout le temps !
C'est à se demander parfois si Ari Aster se donne tant de mal pour montrer absolument par tous les moyens qu'il en a dans le ventre, quitte à parfois trop verser dans la démonstration technique et la contemplation ( je vais y revenir) au risque de sortir le spectateur de l'ambiance horrifique de l'univers présenté ici, celui d'une secte suédoise isolée, aux rites particuliers.
Midsommar est donc avant tout un exercice de style, que ce soit à travers ses magnifiques cadres, ses mouvements de caméras d'une fluidité exemplaire et ses effets visuels clipesques qui me rappellent le David Fincher de ses débuts(#Panic Room). Excusez du peu !
Que dire également de la photographie haute en couleur ? tout simplement à couper le soufle..... Et à vrai dire je ne pense pas voir une meilleure photo cette année, c'est dire le level qu'on a sous les yeux.
Le souci avec ça c'est que certaines séquences avec un parti pris glauque et oppressant en deviennent presque somptueuses et agréables à l’œil tant on prend plaisir à analyser chaque trouvaille visuelle , alors qu'elles devraient nous inciter à détourner le regard de par leur nature viscérale !
Du moins c'est la conception que je me fais du genre horrifique... et Hérédité remplissait bien ces cases là. J'ai d'ailleurs l'impression qu'Ari Aster est conscient des limites de sa mise en scène au point de mettre une musique assourdissante et appuyée, histoire de nous faire comprendre où et quand nous sommes censés avoir peur. C'est un peu le reproche qu'on faisait à Nolan qui utilisait à tout bout de champ les partitions de Hans Zimmer pour insuffler davantage d'émotions.
Vous l'aurez compris: je n'ai pas ressenti le grand frisson devant Midsommar, Et ce également pour une autre raison: l'écriture, beaucoup moins maîtrisée que pour Hérédité. Je vais illustrer ça avec quelques comparaisons
Tout d'abord l'intrigue est dans l'ensemble assez prévisible. On se doute bien que la secte n'a pas forcement de bonnes intentions et on se doute bien quel sort est réservé à notre magnifique Florence Pugh dès le moment où on nous présente leurs traditions.
La peur présente dans d'Hérédité reposait sur la non-identification du mal: Est ce que Toni collette est folle ? est ce que cette putain de famille est maudite de génération en génération ? ou bien est-ce un esprit qui rode? Le film nous balançait de fausses pistes, prenant un malin plaisir à nous manipuler dans l'attente d'une réponse donnée seulement après que la tempête soit passée.
Ici le mal est facilement définissable, ses actions parfaitement compréhensibles.
Autre problème dans l'écriture, les personnages et leurs relations.
Si Dani est bien développée on ne peut pas dire que ce soit le cas des autres qui, au passage, n'ont pas un temps à l'écran suffisant pour qu'on s'attache à eux; Et Pourquoi
tout le monde s'en branle de ce qui leur arrive ? Sauf Dani evidemmennnnnnt....
Dans hérédité, certes la mère était le pilier de l'histoire, les autres membres de la famille bénéficiaient d'assez d'attention pour qu'on s'implique émotionnellement à leurs souffrances, qu'elles soient physiques ou psychologiques. Et toute la désolidarisation de cette famille apportait vraiment quelque chose de tragique là où la bande de potes de Midsommar n'est guère plus immature qu'un groupe d'ados dans la plupart des films d'épouvante d'aujourd'hui


Si Midsommar n'a donc pas la même portée qu'Hérédité, il reste fascinant par biens des égards. De par son esthétique époustouflante évidemment, plusieurs plans resteront en tête. Et c'est là qu'on reconnait un film de qualité; de par la résonance qui en émane auprès du spectateur bien après son premier visionnage.
Surtout Midsommar apporte un contre-pied intéressant à Hérédité. Là où Hérédité était une véritable descente aux enfers sans échappatoire pour son personnage principal , Midsommar est une libération pour Dani, sorte de thérapie de couple et de remise en question bénéfiques après le drame familial qu'elle a vécue.
Et c'est là tout la beauté de la photographie: Heredité était sombre, Midsommar évolue en plein jour. Hérédité est profondément nihiliste alors que Midsommar offre une vision plus optimiste.
Juste dommage que ce dernier n'ait pas été mieux écrit, espérons qu'Ari Aster travaille ce coté en misant moins sur son sens du spectacle visuel

fmanyach
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le 3 août 2019

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fmanyach

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