La consécration américaine
Mon premier Wiseman. Ca donne envie de voir le reste de sa filmographie. Je regrette d'ailleurs de ne pas en avoir choppé plus lorsque j'en avais l'occasion (la dvdthèque de mon école en possédait 5 ou 6 mais comme je m'attendais à des docu chiants, je n'ai osé en emprunter qu'un).
"Missile" est un documentaire intelligent dans le sens où le réalisateur ne perd pas son temps à nous expliquer son point de vue. Sur ce point, ça m'a fait penser à "La génèse" de Crumb qui se contente d'adapter mot pour mot la bible en BD ; l'image parle d'elle-même, pas besoin de préciser que l'auteur trouve le texte absurde. C'est ici le cas aussi. Wiseman n'est pas un fanatique des armes et encore moins du nucléaire, et montrer le fonctionnement et les procédures liées au bombardement dans toute son absurde complexité suffit à nous faire comprendre le point de vue. Je parle d'absurde complexité, mais le plus fort c'est de nous montrer une scène où un pilote au bout de la crise de nerf appelle, démontrant que toutes les sécurités du monde ne peuvent rien garantir. DIsons que Wiseman aime glisser ici et là les failles du fonctionnement. Par exemple cet instructeur qui dit qu'un élève a redressé la barre 10 jours avant les résultats, ce qui lui a évité l'échec... en 10 jours, comment apprendre à devenir un soldat fiable, apte à porter des bombes nucléaires, si l'on considère qu'il était voué à l'échec jusque là ?
Le récit intéresse par une articulation narrative claire ; au commencemnt, on nous présente la jeune classe qui se lance dans cette formation. S'en suivent une série de tests filmés (on se demande même comment Wiseman a pu avoir les autorisations et surtout comment son film ne s'est pas vu censuré ? Sans doute l'absence d'énonciation de son point de vue a joué en sa faveur) jusqu'à la proclamation de fin détude. Cette manière de faire donne du corps et du rythme au documentaire devant lequel on ne s'ennuie jamais.
Bref, Wiseman fait fort avec peu de choses. Un film ne pourra jamais égaler un livre en matière de réflexion, le réalisateur doit donc se montrer concis et précis ; c'est le cas ici.