Lee Gates présente un show télévisé à succès sur la finance où il donne notamment des conseils d’investissements en Bourse. En pleine émission, un certain Kyle pénètre sur le plateau et prend en otage son animateur, en direct devant des millions des spectateurs.


Jodie Foster prend goût à la réalisation car à 53 ans, Money Monster est « seulement » son quatrième film qui s’ajoute à une dense filmographie en tant qu’actrice. Ces dernières années, la francophile s’est faite la main sur des épisodes de séries à succès comme Orange Is The New Black et House of Cards où il s’agit d’avantage de respecter un cahier des charges que d’affirmer sa personnalité. Artiste engagée, principalement dans le mouvement féministe, Jodie Foster répond à ses convictions dans Money Monster qui prouve qu’un thriller aux allures sensationnalistes peut aussi être la base d’une pensée réfléchie.


Ce n’est pas le premier film qui parle du monde de la finance, encore moins depuis la chute de la banque Lehman Brothers en 2008. Documentaires, satyres, drames, comédies,… c’est un sujet d’inspiration récurant à la morale puissante qui a donné lieu de très bonnes productions (Inside Job, Margin Call, Le Loup de Wall Street, The Big Short,…). Money Monster est un peu différent dans le sens où il montre la crise économique sous le prisme de la culture du buzz, du spectacle, encouragée par l’idéologie de l’instantanéité offerte par le web. L’émission de Clooney est un show à l’américaine avec des montagnes de jingles et de vannes à la chaine comme si placer son argent était un jeu.


Le cynisme est un thème fondamental du film, d’abord à travers l’émission et son présentateur imbus de lui-même ; puis à travers la prise d’otage en direct à laquelle le public réagit sur les réseaux sociaux et regarde avidement le programme comme une télé réalité. Le comble arrive quand la femme de l’agresseur apparait pour lui parler à travers un moniteur : ce n’est même plus la police qui agit mais un confessionnal à la Tellement Vrai ! Néanmoins, le présentateur Lee Gates n’est pas la star qu’il croit car quand celui-ci propose (une des meilleures idées du film) de placer sa thune sur une action pour lui sauver la peau. A sa grande stupeur, tout le monde n’en a rien à foutre. On parle ainsi d’un système socialo-économique bourré de vices qui ne nous rassemble pas et où tout le monde est fautif : grandes entreprises, opérations financières gérées par ordinateurs, actionnaires aveugles ou public avide de show. Tout le monde veut tourner la roue de la fortune mais quand elle ne tombe pas sur la bonne case c’est le gros bordel.


L’autre terrible réalité que critique Foster est les répercussions sur l’audience. Ce qu’il se passe est grave, sur fond de crise sociale mais cela ne fait pas réfléchir les gens, cela ne crée pas de l’émotion mais juste des memes et des gifs sur le web. C’est une société de l’entertainment avant tout qui se manifeste aussi par des réactions violentes dans la rue : plus de nuance nulle part mais de l’excès partout. Se venger devant des millions de téléspectateurs ou rester prostré chez soi comme dilemme de l’homme moderne, solitaire et individualiste.


Le thriller démarre rapidement malgré le début prévisible quand on connait le synopsis mais la suite apporte son lot de rebondissements et de bonnes idées même s’il s’agit de souvent sacrifier le réalisme (tout en restant cependant dans les rails du vraisemblable). Dans le fond, Money Monster n’est pas si politique qu’il aurait pu l’être, le preneur d’otage n’est d’ailleurs qu’un pauvre type et pas vraiment une victime du système, un peu comme les cas sociaux de Confessions Intimes. Pareil pour le personnage joué par Clooney qui manque de développement où une intéressante ambiguïté pourrait s’en dégager. Son syndrome de Stockholm, trop politiquement correct, était par exemple évitable mais cela aurait sans doute rendu le preneur d’otage totalement inintéressant. Pour autant, le réflexion et la tension qui alimentent le film en font une indéniable réussite.

ZéroZéroCed
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le 14 sept. 2016

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