Moonrise Kingdom par Enlak
Je suis amateur de cinéma décalé, pourtant parfois la sauce ne prend pas, quand le film s’appesantit un peu trop sur les comportements exubérants des personnages, quand il alterne moments très décalés et d’autres banals, semblant hésiter à y aller franchement ou pas assez. C’était un peu pour ces raisons que je n’avais pas trop aimé « la vie aquatique » du même réalisateur et son trip des animaux imaginaires. Les personnages étaient spéciaux, mais d’une manière pas assez forte pour surprendre et susciter l’intérêt. Situation similaire pour « the big lebowski » avec lequel j’ai eu personnellement du mal, mais où cette fois les personnages étaient bien hors-normes, mais le film s’appesantissait trop dessus, avec comme résultat des situations répétitives qui m’ont un peu agacées.
Devant la reconnaissance critique de Wes Anderson, je décidai néanmoins, avec la sortie récente de « the grand Budapest hôtel », de lui accorder une seconde chance. Avec quelques appréhensions toutefois, craignant de retrouver un univers farfelu auquel je n’adhérais pas. Heureusement, rien de tout ça dans « moonrise kingdom ».
Pourtant le film semble bien posséder la marque du réalisateur, et ces îles de la Nouvelle-Angleterre où sont basés les scouts semblent appartenir à un autre monde tant les comportements paraissent excentriques, les enfants comme les adultes. Entre les deux enfants carrément perturbés qui envisagent sérieusement de partir sans jamais revenir, les scouts qui prennent très au sérieux leur devoir, le couple d’avocats gravement déformé par leur profession (Bill Muray), l’observateur incongru, le policier solitaire et coincé joué par Bruce Willis ou encore la détestable action sociale, dont le nom particulier en dit long.. . Un Bruce Willis dans un film à l’opposé de ses rôles habituels, et qui s’en sort parfaitement, sans once de ridicule.
Pas de folie délurée mais un côté doucement mais sûrement décalée, pas d’insistance poussée sur les éléments bizarres qui aurait pu ralentir le rythme, Wes Anderson a su trouver le ton juste, distillant avec subtilité sa folie dans une histoire humaine tant émouvante que drôle.
Le jeune Sam et son amoureuse veulent jouer dans la cour des grands, abordent le monde avec une approche naïve mais touchante. Sam veut échapper à sa triste situation, l’occasion d’aborder légèrement des aspects plus dramatiques, tel que le traitement réservé aux enfants orphelins dans les années 60, symbolisé par l’antipathique action sociale. Avec légèreté, car les vrais personnages sont les enfants, encore innocents (ou presque) et non atteints par le monde des adultes. Un monde où les adultes semblent tristes, délaissés par la joie de vivre, solitaires, négligeant parfois leur responsabilité et pas toujours très respectueux envers les autres. A contrario les enfants savent s’entraider, et peuvent ressentir une forme d’amour, qui si elle est maladroite, peut être plus sincère que celle éprouvée par ceux censés leur montrer l’exemple. Et c’est bien ce contraste, du comportement des enfants par rapport à leur âge, ou celui des adultes par rapport à leur rôle d’exemple, qui provoque bien souvent le rire.
Une comédie drôle et touchante donc, délicieusement décalé mais jamais lourde ni longue, qui réhabilite à mes yeux ce réalisateur singulier qu’est Wes Anderson.
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