Jaime Rosales est tombé amoureux de la ville de Morlaix en venant y présenter son film "Petra" en 2019. Aujourd'hui il en fait l’endroit où tout se joue, se prépare, se rejoue, se déjoue, son nouvel opus est aussi théorique que romanesque, quasiment une tragédie grecque, il parle de cinéma comme seul(s) lieu(x) où on peut donc rejouer sa vie à l’infini, de l’adolescence, tendre âge où tout est à la fois futile et grave, innocent mais tellement sérieux.
Il s’empare du médium cinéma et en utilise toutes les possibilités, les artifices, il rend des hommages en voulant aller ailleurs, il tire du kitsch d’un roman photo des portraits déchirants, fait de ses personnages des êtres qui n’existent peut-être pas mais que l’art fait exister jusqu’à les dupliquer. Et puis il y a ces jeunes acteurs dont la maladresse est aussi touchante que symbolique de ce qu’effleure le récit, menés par un Samuel Kircher qui confirme film après film son insolente facilité à envoûter cinéastes et spectateurs et l’immense révélation Aminthe Audiard dont on comprend dès qu’elle apparaît à l’écran le pouvoir d’attraction, fait de force et de fragilité mêlées.
Après le très beau "Les Tournesols sauvages" je ne m’attendais pas à voir ce réalisateur arpenter de tels territoires, géographiques et artistiques, et je m’attendais encore moins à sortir de son film et d'une ville que je connais très bien bouleversé.