Lorsque les premières bandes annonces de ce film sont sorties, je ne boudais pas mon plaisir. Voir des villes géantes sur roues s'affronter dans un univers post apocalyptique, il y avait de quoi saliver. Ca pouvait être beaucoup, ce film, ça pouvait être le nouveau Mad Max, si l'univers était suffisamment développé et exploité. Voila ce que j'attendais : une atmosphère riche, un concept couillu et original, quelque chose qui se démarque de tout ce que l'on voit dans le cinéma blockbuster. Mais ça ne sera pas le nouveau Mad Max.


Après un événement qui a ravagé la surface de la Terre, les survivants ont dû s'adapter et trouver un nouveau mode de vie. Habitant désormais d'immenses villes sur roues, les citadins se livrent à des guerres entre cités, les plus grandes capturant et intégrant les plus faibles. Dans une petite formation de quelques centaines de bonhommes, la jeune Hester Shaw n'attend qu'une chose : se faire harponner par la cité de Londres, où vit Thaddeus Valentine, le meurtrier de sa mère, qu'elle compte bien assassiner.


Imaginez ce qu'aurait pu donner ce film si son univers avait été bien exploité ! Malheureusement le concept génial et original de villes sur roues n'est réellement utilisé que pendant le premier tiers du film. Tout sent bon dans cette première partie : des scènes où Londres tente de rattraper et harponner un petit village pour récupérer ses matières premières, des présentations de l'organisation hiérarchique des villes, et un personnage de Hester Shaw, campé par la jolie Hera Hilmar, actrice islandaise jusqu'ici assez peu connue, qui se retrouve perdue hors de la ville, au milieu des sillons de plusieurs mètres laissés par la roues.
L'univers présenté est froid, dystopique, avec la possibilités à tout moment de se faire attraper par des "sudistes" vous vendant ensuite comme esclave. Le personnage d'Hester est bien écrit, glacial et sombre, cachant ses cicatrices au visage derrière sa grande écharpe rouge.
Mais malheureusement, à la fin de ce premier tiers, tout retombe un peu comme un soufflé. Nos personnages s'envolent pour une cité aérienne, Hester retire son écharpe et perd en même temps sa froideur délectable, et s'éprend soudainement du (presque) seul personnage masculin à qui le scénario accorde un titre de héros comme si elle choppait un rhume.
Fini les guerres entre villes pour les ressources. Désormais on a un vaisseau (Londres, certes sur roues) qui s'approche de la base rebelle et sa muraille, et nos héros vont l'infiltrer pour empêcher le gros canon de tirer.
Petit à petit, ce fut donc la désillusion. Moi qui attendait un nouveau Mad Max, me voici devant une deuxième moitié assez banale avec un scénario qui a déjà été exploité dès les années 70, par un petit film pas très connu : Star Wars. Sans déconner les gars : des vaisseaux volants qui tournent autour d'une grosse base, qui tirent pour détruire les sentinelles, avec un des vaisseaux qui volent à la verticale entre deux murs, c'est ultra flag, c'est Star Wars, tout le monde a vu Star Wars, le personnage masculin arrive au cœur de la base avec son vaisseau et tire sur le moteur principal, Star Wars, le grand méchant fait face à l'héroïne et """lui anonce qu'il est son père,""" c'est Star Wars, c'est gênant, tout le monde a vu Star Wars, vous êtes aussi grillés qu'une merguez sur un barbec !


Bon, puisque l'on ne peut pas transformer l'essai, il fallait au moins faire un film qui reste potable. Et on ne pourra pas lui retirer ça.
Parce que, si le scénario n'a certes rien d'original et ne parvient pas à exploiter ses brillantes idées de base, il est tout de même prétexte à quelques scènes d'action bien fichues et à de somptueux décors. L'entièreté du film est très beau, le design des personnages est étudié et soigné, et visuellement, tout est réussi.


Mais puisque l'on parle des personnages, arrêtons-nous un instant sur les acteurs.
Hera Hilmar n'a pas un jeu très personnel mais ne peine pas trop à rendre son personnage crédible. D'une Hester Shaw froide et agressive, elle arrive à une jeune femme plus mesurée, et si le changement de ton n'est pas très facile à accepter, ce n'est pas tant à cause du jeu de l'actrice que du développement trop rapide du personnage.
Robert Sheehan, qui joue THE protagoniste masculin du film (car ce long-métrage passe le test de Bechdel sans aucun souci, et présente une majorité de personnages féminins) nous avait déjà prouvé dans Misfits qu'il était bon acteur, et il le reste, même s'il peut paraître surprenant de le voir jouer dans une production visuelle sans jamais voir son cul.
Pour ce qui est de Hugo Weaving, je n'ai rien à dire, c'est Hugo Weaving, il est classe et charismatique, et rien que son nom me donne la chair de poule.
Les autres personnages sont moins développés, et celui de Anna Fang, qui aurait pu être très intéressant et marquant, tant il est (et se veut) badass, voit son effet désamorcé par le film qui passe son temps à appuyer ses moindres faits et gestes, comme si on nous hurlait "Oh regardez Anna, elle est trop badass, elle est trop classe sérieux, regardez elle avance à visage découvert et bute tout le monde parce que c'est trop une redneck, sérieux whaaaa !" Sans rire, chaque scène où elle apparait se termine par un plan serré sur le visage de Anna qui balance une punchline soi-disant badass mais qui échoue à impressionner parce que le film se prend beaucoup trop au sérieux.


Et malheureusement, les punchlines un peu moisies ne seront pas le seul cliché dans lequel le film saute à pieds joints. Entre le pouvoir de l'amour inévitable entre deux personnages principaux de sexe opposé (d'ailleurs, à quand un blockbuster avec deux personnages principaux de même sexe qui tombent amoureux sans que ça devienne un film qui parle expressément d'homosexualité ?), les quelques deus ex machina qui me font sortir du film comme un siège éjectable, le personnage qui se fait tuer et tombe au ralenti, et le plan du grand méchant déjoué à 1 seconde de la catastrophe mortelle, il faut avouer qu'on est servis. Et c'est écrit par Peter Jackson, vous dites ? Eh bien, tout se perd...


J'ai pu paraître assez négatif mais j'ai plutôt apprécié le film. Ce n'est pas un grand film, certes, et c'est une grande déception. Mais malgré ses erreurs, il reste un divertissement correct, très beau, dans la moyenne haute de ce qu'un film dystopique à gros budget pour donner ces dernières années. Ce film est un nouvel exemple de ce que j'appelle "le phénomène Matrix", avec un super concept qui se casse la gueule pour ne laisser qu'un film banal et pas original pour un sou. Dans le cas de Mortal Engines, il reste au moins efficace.
Certes, ce n'est pas le nouveau Mad Max. Mais aurons-nous un jour un nouveau Mad Max ?
Au moins, Mortal Engines pourra être le nouveau Hunger Games. Le premier film, pas les suivants.

QuentinYuanMalt
7
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le 20 janv. 2019

Critique lue 298 fois

Yuan Cloudheart

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