Ce film brille par sa représentation de l'hétérosexualité (le mariage en particulier) au travers d'une femme à l'esprit pétri d'ordre, de traditions et de rituels, et j'aime penser que c'est là son but premier. A l'inverse d'un Épouses et Concubines (par exemple) qui enferme petit à petit son personnage d'épouse dans un carcan social imposé et absurde jusqu'à atteindre la folie (sans trop d'hystérie en plus), Mother! préfère une femme déjà complètement aliénée par une certaine idée du mariage et de la féminité, qui nous est montrée comme juste et vertueuse puisque la caméra ne quitte jamais le visage de Jennifer Lawrence, perpétuellement horrifié au moindre écart dans sa vie tranquille de bobonne. L'exact reflet inversé de cette féminité introvertie, morne et froide (sauf pour son mari et son enfant) est la masculinité créatrice (non pas par le corps mais par l'esprit ; même lorsque Lawrence crée en rénovant la maison, sa création en devient biologique), sociale et flamboyante du mari. Une analyse magistrale des rapports de genre, toujours validée par le film comme étant un ordre naturel et inaltérable (malheureusement l'homme ne peut pas changer, et la femme sera toujours psychorigide). Un premier bon point réactionnaire qui réussit malgré tout à donner envie de fuir le mariage, si ce n'est l'hétérosexualité tout court.
Malheureusement ce n'était apparemment pas l'idée d'Aronofsky, qui envisageait plutôt une métaphore biblique et/ou écologique. Pourquoi pas (si ce n'est la relation qui devient étrange entre Dieu et "Mère Nature", devant être en toute logique Sa fille si c'est bien Lui qui l'a créée, mais ça colle avec l'idée réac de la mère/enfant). Un Dieu très clément et indifférent d'ailleurs, qui ne châtie ni n'aime les Hommes, aide tout de même Eve et Adam (motivés sans serpent à commettre une erreur qui ne les fera en fait pas jeter du jardin d'Eden, etc). L'aspect écologique se retrouve plutôt dans la seconde partie, risible par sa rapidité et son envie d'en découdre avec l'histoire moderne (en particulier la guerre pour la guerre et l'entièreté absolue de l'humanité qui pille sans aucun respect, en toute justesse et réalisme). Mention spéciale au Christ (ou à la représentation de la vie elle-même, on ne sait pas) qui se fait littéralement dévorer. Une vision nihiliste qui plane au-dessus de toute l'humanité, unilatéralement vile et destructrice, sans espoir de rédemption (si ce n'est en repartant de zéro). Un deuxième bon point réactionnaire.
Niveau technique, j'espère que le monteur son s'est au moins bien amusé avec ses clochettes et autres tintements. Avec derrière un mixage pareil, on frôle le fascisme.