Il y a des séances dont on sort sans aucune envie d’y repenser de façon froide, clinique et rationnelle. Tout simplement parce que sans crier gare, elles parviennent à nous emporter, par la justesse d’une note, par la timidité d’une voix fragile, par des personnages qui semblent si sincères qu’on finit par oublier les quelques maladresses qui ont accompagné leur belle association. Oui, New York Melody est coincé entre deux feux, celui de la comédie romantique assumée et d'une critique de l'industrie musicale plus acerbe. Et effectivement, New York Melody est parfois ampoulé par quelques baisses de rythmes dues à une écriture ayant tant à coeur de bien faire qu'elle tente parfois le diable, comme cette scène d'exposition, qui se rejoue une troisième fois, celle de trop certainement.

Mais il y a une telle émotion à l’écran, un tel élan passionnel que ce sont les poils qui mènent la danse, ceux là même qui se dressent de toute leur hauteur lorsque les arrangements s’invitent à l’imagination de Ruffalo lors du premier rewind. Ceux qui ne sont plus décidés à retomber parce que chaque personnage est développé avec une belle fluidité, tous menés par une plume faite de nuance qui ne se laisse pas aller à l’assassinat gratuit. En témoigne cette Rock Star engouffrée dans la spirale infernale du showbiz qui n’est jamais rendu exécrable. Quand le chanteur de ses dames, Adam Levine étonnamment juste, pousse la note en invitant la frêle Kara à le rejoindre, l’émotion est bien de circonstance, preuve en est que le salopard du début n’a jamais été réduit à l’état de pur opposant à la pureté d'une passion vécue sans concession. Il en va de même pour chaque storyline qui se greffe au noyau musical dont est fait New York Melody, toutes parviennent à s'exprimer sans trop sortir de l'ombre. Car l'élément solaire de New York Melody, c'est la musique et rien d'autre, la note d’intention et de plaisir de chaque instant qui fait du film un farouche feel good sur membranes.

Chaque ligne de New York Melody va effectivement dans ce sens, celui d’épouser la musique, d’essayer d’illustrer ce sentiment si particulier qu’une mélodie, bien troussée ou non, peut évoquer à l’oreille qui l’écoute. L’enchaînement de notes, le timbre de voix, qui parvient à faire vibrer ce tympan si difficile, qui s’emballe alors pour une petite bluette que personne d’autre ne remarque. En ce sens, le personnage qu’incarne avec un panache de chaque instant l’excellent Mark Ruffalo, est le plus touchant. Et même si l’on regrette que cette superbe séquence qui le fait mimer des instruments fantômes ne soit pas plus exploitée ensuite, il forme avec Keira Knightley un duo d'autant plus étonnant qu’il paraissait peu prometteur sur le papier.

John Carney, qui avait déjà trouvé l’accord subtil pour me charmer avec le très chouette Once, a une vraie sensibilité quand il s'agit de filmer la musique. Formule clichée et particulièrement abstraite qui prend tout son sens dans le cas présent. Lorsque le cinéaste place ses musiciens dans un New York particulièrement bruyant, chaque son semble trouver sa place sur la portée qui les réunit : une mamie qui prend l'air sur son balcon, un voisin qui hurle au silence, une sirène annonciatrice de malheur, deviennent autant de rugosités permettant à la mélodie de trouver son équilibre.

Je sais bien que New York Melody tombe dans quelques travers moralisateurs un peu grossiers (la séquence entre Keira et la fille de Ruffalo, sur un banc où la première dit à l’adolescente qu’elle est sapée en pouf), mais au diable mon objectivité. Un feel good movie de ce calibre, qui me file les poils et l’envie de parcourir toute mes playlist Spotify (paf placement produit, balancez vos profils !), un casque sur les oreilles, jusqu’à ce que mes forces m’abandonnent, c’est suffisamment rare pour que je laisse le clavier dicter les mots. Au diable ma réputation de casse-bonbon qui n’aime rien, c’est décidé, New York Melody chope sa place en bonne position dans mon top personnel 2014.
oso
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le 28 nov. 2014

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