Nightfall
6.2
Nightfall

Film de Roy Chow Hin-yeung (2012)

Chow Hin Yeung Roy, révélé avec Murderer (à ne pas confondre avec The Murderer de Hong-jin Na), revient sur un terrain plus sérieux et moins gore qu’avec son précédent (et premier) film. Nightfall se plonge dans le drame, le thriller, le policier et l’action, sans pour autant totalement oublier d’y ajouter une touche sanglante. D’ailleurs, pour faire comme le réalisateur, nous allons commencer avec le gore pour mieux nous en délester ensuite, car c’est ce qu’il fait, il nous sert en introduction une scène où le personnage principal se fait attaquer dans les douches d’une prison, tout en se défendant comme un bon gros bougre, les gerbes de sang volant comme des perdrix, l’ensemble étant qui plus est mis en scène de façon totalement sublime, les goutes d’eau perlant devant les macros zooms et les ralentis augmentant la portée des coups fatidiques. Efficace, scotchant le spectateur, mais pour autant la bobine continuant on se demande si cela ne paraissait pas avoir été placé là pour appâter le spectateur avec une carotte qui lui en ferait espérer plus. Pas vraiment. Cette séquence forge la personnalité de notre protagoniste, qui est résolument un homme dangereux, probablement fou, convaincant le spectateur que quoiqu’il arrive il ne s’insérera jamais dans notre monde. Puis le réalisateur enfonce le clou, la suite donnant sur sa libération, où le détenu, relâché après avoir purgé une peine de 20 ans pour viol et meurtre sur une jeune femme, ira dans le centre ville manger une glace tout en regardant d’un sourire malsain les étudiantes en train de s’y promener.

Non content de ce portrait déjà peu aguicheur, il en rajoute sans-cesse, son personnage louant un cabanon donnant sur la villa où il a commis ses méfaits, observant les faits et gestes de ses occupants avec une longue-vue, renvoyant très vite au côté voyeur du fabuleux Body Double de Brian De Palma, auquel s’ajoute une vague ressemblance avec le personnage de The Murderer, lui-aussi intelligent, méticuleux et pouilleux sur les bords.
Le cinéaste est malin, puisque dans le foulée le père de la jeune fille qu’il avait tué se fait assassiner, le plaçant sur le banc des accusés, sans pour autant que quoique ce soit ne puisse les ramener directement à lui, ce qu’il utilisera à son avantage pour mieux les provoquer. C’est efficace, indomptable, brillant, et Chow Hin Yeung Roy profite de la moindre mise en place d’un retournement de situation pour nous imposer de grands instants de cinéma qui sont à eux seuls d’incroyables leçons de mise en scène. Le passage dans le téléphérique est d’ailleurs d’une totale folie, affreusement angoissant, en plus de semer un désordre encore plus complet, tout comme les nombreuses attaques physiques et déraisonnées du suspect envers les agents.
La Corée du Sud s’était imposée durant les dernières années dans le registre du thriller/action, mais Hong Kong revient avec une force impétueuse sur les devants de la scène, comme à la belle époque de Infernal Affairs.

Rarement un film n’aura mis une telle claque, peu importe sur quel plan. La photographie est resplendissante (notamment les plans de nuit, qui ne sont pas sans rappeler la maestria de Drive, on déplorera néanmoins une utilisation du filtre dégueulasse Instagram durant les flashbacks, ne virant heureusement pas à l’excès), la bande-son tout en musique classique tranche avec le sujet autant qu’elle le transporte, la mise en scène sublime le genre (notamment lors des confrontations des deux protagonistes, en particulier la dernière), les dialogues placent les pièces du puzzle tout en créant une sorte d’intimité entre le tueur et l’agent qui le pourchasse, un véritable soucis du détail comme rarement on peut en être témoin, absorbant littéralement le spectateur qui ne voit plus le temps passer. Un effet que l’on pourra sans doute imputer au fait que le cinéaste mélange les genres sans jamais en exacerber un ni en oublier un autre, il nous sert une enquête policière passionnante, nous balance au visage d’inattendus passages d’action, et lorsque l’on s’y attend le moins l’escalade du thriller donne libre court à une vertigineuse descente dans le drame.
Nightfall se classe donc parmi les meilleurs thrillers de 2012, utilisant aussi bien de vieilles ficelles qu’il en crée, principalement grâce à son tueur impossible à cerner, campé par le magnifique Nick Cheung, offrant ici l’une des plus belles performances d’acteur, son mutisme étant contrebalancé par son charisme hors-pairs, sans oublier Simon Yam, dans la peau d’un flic usé qui trouve dans cette chasse à l’homme un nouveau sens à sa vie, et cela bien plus qu’il ne pouvait l’espérer…
SlashersHouse
9
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Créée

le 20 juil. 2012

Modifiée

le 20 juil. 2012

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