Film inspiré de Le Charlatan et Freaks, la monstrueuse parade, plutôt subtil pour du Guillermo Del Toro qui nous a habitué plutôt à du fantastique et à de l'épouvante très symboliques.
Même si le personnage campé par Bradley Cooper manque de charisme au début (muet et banal), il s'affirme et devient un arnaqueur de haut niveau.
Mais Nightmare Alley étant aussi un drame, on s'aperçoit que cet arnaqueur est en fait arnaqué depuis le début : par le chef de foire (Dafoe, qui lui apprend comment se procurer faux freak, un beau crétin à l'aides de fausses promesses et de drogues), par les médiums qui lui apprennent comment manipuler les gens, par la psychologue (Cate Blanchett) qui joue un double jeu avec lui, et enfin par lui-même car il est incapable de contrôler à la fois son besoin de mentir et de manipuler les gens et ses pulsions plus meurtrières qui se retournent contre lui.
Si effectivement, la foire fait Freaks, la monstrueuse parade mais aussi Del Toro et ses décors très vivants, détaillés, prenants et probablement pas en 3D (ou alors c'est très réussi, y compris avec Enoch le mort-né et son œil qui rappelle la conscience tourmentant Caïn), on passe plus au film noir après.
Del Toro avait aussi essayé de dénoncer le franquisme et le maccarthysme de manière horrifique, idem avec le gothique dans Crimson Peak, là il passe aux années 40 de l'épouvante.
C'est d'ailleurs la fin qui fait saisir l'ampleur du drame :
Après avoir laissé mourir son père de froid, contribué à la mort de son ami médium avec de l'alcool frelaté, ainsi qu'à celui d'un juge et au suicide de son épouse, puis battu à mort un riche et renversé son garde du corps, notre arnaqueur a échoué dans ses dernières tentatives de voler l'argent des honnêtes gens et se retrouve au fond du trou social.
Un nouveau chef forain lui propose alors purement et simplement le métier de faux freak avec des fausses promesses et de l'alcool. Notre arnaqueur se rend bien compte qu'il se fait avoir, mais étant clochard et au fond du trou, il se dit à la fois que ce n'est pas si mal et que c'est tout ce qu'il mérite :
Je suis né pour ce rôle !
Et alors, il éclate à la fois de rire et de sanglots.
La fin semble des plus appropriées, surtout quand on sait comment Freaks se terminait aussi par les méchants payant pour leurs péchés et réduits à l'état de phénomène de foire à leur tour ...