Tom Ford réalisateur, c'est un gage de qualité visuelle. C'est un fait, son dernier film est beau, d'une beauté ciselée, acerbe, parfaitement adaptée à un métrage qui prend aux tripes.
Cependant, dans A Single Man comme ici, sa plus grande qualité est de laisser une large marge d'appréciation au spectateur, qui pourra juger, extrapoler, compléter comme bon lui semble les évènements et leurs conséquences qui lui sont présentées. À l'opposé de ces films qui nous prennent poussivement par la main, grossissant le trait jusqu'à l'excès, il est extrêmement plaisant de se sentir ici pris pour un être doué d'intellect.

D'une histoire simple (une rupture), habilement complexifiée par une double mise en abîme et un jeu astucieux sur l'unité de temps, Tom Ford nous présente un récit décomplexé pourtant étonnamment linéaire. Malgré un passé qui refait surface et un présent grisâtre c'est le roman fictif, véritable pont entre les deux époques, qui va occuper la plus grande partie du film.
Quand on démultiplie les récits, c'est la transition entre chacun d'entre eux qui peut poser problème. Ford la refuse tout bonnement, préférant mêler le tout avec fluidité.

Visuellement, le réalisateur se régale, multipliant les juxtapositions imagées entre ces trois époques, en autant de clichés furtif : la scène d'introduction, mise en bouche de génie, fait brillamment entrer le spectateur dans le film.
Les jeux de lumières sont maitrisés, les décors, du désertique au faste fort crédibles.
L'oeil avisé reconnaitra la patte de Ford dans les costumes, qui viennent eux aussi apporter quelque chose à cet obscur objet stylisé, transformant les hommes en sombres charognards aiguisés, leurs femmes en divines boules à facettes.

Les acteurs sont tout bonnement énormes. S'il est facile de décerner la palme à Aaron Taylor-Johnson et sa démence grasse, il me paraît encore plus difficile de traiter avec autant de nuances le rôle d'un homme impuissant à protéger sa famille comme le fait Gyllenhaal. Amy Adams, coqueluche étrange des réalisateurs modernes, m'a également bluffé, tant elle transmet une détresse coupable, donnant l'impression de voir un être humain se noyer dans sa propre prison dorée. À ce titre, sa richesse et le monde dans lequel elle vit m'ont semblé accessoires : l'intérêt de ce personnage vient de ce besoin de sécurité qui la torture.

En conclusion, "Nocturals Animals" est un film porté par de belles prestations, quelques scènes exceptionnelles, un scénario tortueux qui laisse à réfléchir sur ses résolutions possibles, et c'est déjà pas mal, non ?

Jb_tolsa
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le 21 févr. 2017

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Jb_tolsa

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