Noé
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Noé

Film de Darren Aronofsky (2014)

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" And the flood waters were upon the world. "

« Noé » débarque en salle après le succès de « Black Swan » en 2011. Darren Aronofsky, cinéaste de l'obsession, signe ici un film singulier, qui donne parfois l'impression de partir dans tous les sens, mais qui s'avère en tout cas suffisamment intéressant et intrigant pour que l'on se penche sur lui.

La Bible regorge d'histoires fantastiques pour le cinéma, non vraiment c'est un vrai script, et bien que l'on soit croyant ou non, ces histoires ont un potentiel énorme, si énorme qu'il parvient parfois à transcender le cinéma.
« Noé » se présente quant à lui comme un film sombre, un blockbuster biblique intrigant et finalement très étrange. D'ailleurs si il y a bien mot qui vient à l'esprit lorsque l'on ressort du visionnage du film, c'est bien « étrange ». Aronofsky s'attache à nous narrer l'histoire de Noé et sa famille d'une manière tout à fait originale, en ce qui concerne son cinéma à lui, le cinéma en général tente de nous habituer à ce genre de facture, une entreprise pas toujours très réussie il faut l'avouer. Le film est une fresque biblique aussi surprenante que troublante, le spectateur peut en effet s'émerveiller de voir que la mise en scène d'Aronofsky sied parfaitement à cette histoire, il peut aussi se réjouir de voir le réalisateur prendre le risque d'aller au bout de ce qu'il veut raconter. D'ailleurs si il y a bien une chose qui émane de ce « Noé », c'est la passion avec laquelle il a été mit en scène. Le film a été réfléchi et pensé, c'est indéniable, il ne s'agit pas ici d'une commande et cela se ressent. Aronofsky nous présente sa vision et son univers, et je dois avouer que pour ma part c'est une action que j'admire (ce qui ne veut pas pour autant dire que j'apprécie forcément ce que je vois quand un réalisateur tente de montrer sa vision des choses). C'est par ce qu'il s'agit finalement d'un film très personnel, que le public peut demeurer perplexe. Car en vérité si l'on accepte pas ce que propose Aronofsky, on risque fortement de passer complètement à côté, pire si l'on est un fervent croyant, on risque la crise cardiaque.

Le film prend des libertés avec le récit original, mais si s'approprier une œuvre pour la transposer à sa manière, était un gage de mauvaise qualité, ça se saurait, souvenons-nous de Kubrick avec « Shining ». Au contraire, Aronosky à l'instar de Kubrick, sait s'approprier ce dont il a besoin et les lignes essentielles de l'histoire qu'il souhaite adapter, pour parvenir à en faire une œuvre intéressante et qui objectivement se laisse suivre sans désintérêt.
Il y a beaucoup de fond dans « Noé », c'est à la fois sa force et sa faiblesse, car si le réalisateur propose en effet une relecture intéressante du « Déluge », il n'en demeure pas moins qu'il ne peut s'empêcher de raconter certains pans de cette histoire qu'il a visiblement beaucoup de mal à aborder lui-même. S'agit-il finalement d'un questionnement du réalisateur lui-même, ou bien tout simplement d'une tentative ratée de mettre en scène au maximum son sujet ?
La réponse, il est le seul à la connaître, mais une chose est sûre, Aronosky se veut raconteur d'histoire à travers ce film, et il demeure malgré quelques maladresses, assez convaincant.
Ce qui est intéressant dans « Noé » c'est qu'il pose des questions, pas seulement sur cette histoire en elle-même, mais bien au spectateur. Il s'agit ici d'un film sur l'homme et son monde, sur la nature et la divinité, et bien entendu sur l'obsession de la croyance. C'est là que le film pose problème à certains partis religieux ( ce qui me réjouis personnellement beaucoup ). Car oui, pas besoin d'être croyant pour apprécier ce film, et c'est là sa force. Il ose, il propose, il nous raconte l'histoire d'un homme face à sa croyance, face a tous les aspects de sa croyance. C'est l'histoire d'un homme désintéressé qui va finalement devenir le héros parmi les hommes, il sera témoin de la cruauté du monde, il sera victime de ce en quoi il croit, avant de devenir maître de son destin en faisant des choix, pour finalement accéder au pardon et à la grâce.
Non pas que l'on ressente une vraie influence de Terrence Malick sur ce film de Darren Arofonsky, on y retrouve tout de même une part intégrante de son cinéma, la notion de l'infiniment petit face à l'infiniment grand.

Pour ce qui est de la forme, hormis certains aspects de la mise en scène (le montage très rapide des scènes de rêves, ou bien encore la caméra tremblante et embarquée sur les acteurs, donc immersive), le film joue avec les codes du blockbuster. Aronofsky y intègre son univers, au départ c'est assez surprenant, notamment ces Anges de pierres, pourtant l'ensemble fonctionne, ces créatures rappellent d'ailleurs beaucoup celles que pouvait faire Harryhausen autrefois, et étrangement cela colle à cet univers. Par ce qu'il s'agit d'un univers cohérent, le réalisateur parvient à donner une impression de véracité à ses événements. Là réside sa seconde force, car croyant ou non, cet univers sonne vrai, pas démonstratif, mais vrai et tangible, alors qu'il ne s'agit que d'une fable, un peu à la manière de Peter Jackson avec « Le Seigneur des Anneaux ».
Peut-on dire que l'on attendait autre chose de cet univers ? Oui et non, car il est à la fois très singulier et propre au réalisateur, et pourtant il aurait pu être mit en scène par n'importe qui. C'est assez étrange, je ne me rappelle d'ailleurs pas avoir ressenti cela auparavant, cette sensation d'avoir en face de mes yeux un univers que je ne pourrais attribuer qu'à un metteur en scène précisément, sans pour autant y retrouver pleinement sa patte.
Clint Mansel quant à lui signe une bande-originale très new-age, à la fois lyrique et puissante, très adaptée à cette histoire et au ton que veut lui donner le metteur en scène.
Les acteurs s'en sortent tous globalement bien, notamment Russel Crowe qui s'avère très juste dans le personnage de Noé, mais aussi et surtout Emma Watson qui est capable d'exposer des palettes de jeux très différentes, une actrice en devenir c'est certain. Jennifer Connelly et Douglas Booth sont également très convaincants. Seul Logan Lerman s'avère une nouvelle fois un peu paumé, sans émotion, par ce qu'il est dépourvu de charisme tout simplement.

Ce « Noé » est donc un film très étrange, bien qu'il demeure intéressant à défaut d'être pleinement pertinent, on peut faire un reproche à Darren Aronofsky, celui de faire un film qui se regarde bien plus qu'il se vit, alors qu'il nous avait pourtant habitué à l'inverse avant. Néanmoins l'expérience "Noé" ne laisse pas de marbre c'est une certitude, et pour ma part, après mûre réflexion et un second visionnage du film, je pense que cette expérience m'a plu.
E-Stark
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le 11 avr. 2014

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E-Stark

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