Kevin Macdonald utilise John Lennon et Yoko Ono comme catalyseur pour scruter une époque en miroir avec la nôtre. Un documentaire inventif, musical et politique qui offre un zapping vertigineux sur les USA au début des années 1970.

Le réalisateur Kevin Macdonald s’y connait en figures iconiques du XXe siècle. On lui doit notamment un formidable biopic sur Amin Dada (Le Dernier roi d’Écosse) ou des documentaires musicaux sur Bob Marley (Marley) ou Whitney Houston (Whitney). Que ce soit en fiction ou en documentaire, ses films sont toujours ancrés dans une réalité regardée sans concession. Il y a donc de quoi être curieux, lorsqu’il s’empare des monuments John Lennon et Yoko Ono… et aussi un peu méfiant aussi, tant tout semble avoir déjà été dit sur le Jésus de la pop et sa Mère supérieure. Qu’on se rassure, le pari est relevé haut la main !

Le film cible une période restreinte : celle pendant laquelle John et Yoko débarquent à New York après la rupture avec les Beatles. Pendant quelques mois, ils s’installent dans un petit appartement à Greenwich Village… et regardent beaucoup la télévision. Cette passion du couple pour le petit écran lui permet de s’imprégner de la culture américaine, de l’atmosphère politique et de réactiver une fibre militante post-flower power. Cette période s’achève par un concert caritatif au Madison Square Garden le 30 août 1972, le seul que Lennon, accompagné d’Ono, ait donné après la fin des Beatles.

La réussite du film est due à un dispositif astucieux, à une profusion d’archives inédites sur le couple (vidéos, enregistrements d’appels téléphoniques, photos), ainsi qu’à un remarquable travail de montage. Ce n’est pas un hasard si Sam Rice-Edwards, le monteur, est crédité comme coréalisateur.

Le film alterne une reconstitution de l’appartement du couple la captation du concert new-yorkais. Au cœur de l’appartement, une télévision diffuse un zapping géant, véritable fenêtre sur l’Amérique de 1972. On voyage, on « zappe » pour capter l’air du temps et saisir comment Lennon se l’est accaparé. De l’aveux même du chanteur, il voyait en ce médium un outil de connexion avec le monde. D’abord spectateur, il ne tardera pas à participer à de nombreux talkshows et à entrer lui-même dans la télévision.

En parallèle, les chansons du concert résonnent avec les images d’actualité. Chaque morceau est monté comme un clip combinant captation scénique, images d’archives et extraits télévisés. Ça n’est donc pas tant John et Yoko que leur époque que le film explore. On y voit des conflits violents, une société fracturée et des militants désabusés face à l’apathie ambiante. Un peu plus, on se croirait en 2025.

Mais John et Yoko refusent la résignation. Ils essaient de mobiliser pour les causes qui leur tiennent à cœur : pacifisme, droit des minorités, respect des enfants… Et dans ce minutieux portrait d’une époque, le film raconte aussi, façon Alice au pays des merveilles, comment le couple a traversé l’écran pour tenter de réveiller les consciences.

La poésie, c’est que leur énergie militante et positive contamine à son tour les spectateurs. Est-ce suffisant pour remobiliser le monde autour de valeurs humanistes ? Peut-être pas. Mais, comme le chante Lennon, on se dit que la paix a toujours une chance.


el_blasio
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le 4 juin 2025

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