Je ne me cache pas, j'ai découvert Refn et son univers délirant grâce à Drive qui a fait l'effet d'une bombe dans mon petit corps. Mais depuis, j'ai vu successivement sa magnifique trilogie Pusher, le dérangeant Bronson et le magnifique Valhalla Rising. Alors je ne vous raconte pas mon attente lorsque j'ai vu qu'il allait présenter un nouveau film à Cannes et qu'il sortirait très vite. Et pourtant malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi à trouver le temps pour le visionner. Que je m'en suis voulu ! Mais aujourd'hui la chance tourne. Oui aujourd'hui j'ai vu son film ! Et bordel qu'est ce que j'ai pris dans la gueule. Alors avant d'aller plus loin, je voudrais déjà te dire merci Nicolas.

Merci pour cet hommage vibrant au cinéma, art visuel bien avant d'être un art doté de paroles (certains semblent l'avoir oublié d'ailleurs). Chacun de tes plans, chacune de tes scènes, comme suspendues dans le temps et l'espace, sont d'une beauté à couper le souffle. Ton cadre est millimétré, tes mouvements de caméra sont fluides et parfaitement maîtrisés. Je n'avais pas vu une mise en scène aussi précise et aussi parfaite depuis un bon bout de temps ! Tout ceci agrémenté d'une photographie lumineuse (jeu de mot moyen je l'admet) teintée de rouge et de noir. Très certainement pour trouver un foyer à cette violence si particulière, si soudaine, si excessive. Je dois d'ailleurs avouer que j'ai eu beaucoup de mal à passer la scène de torture où des yeux en prennent pour leur grade. Ce serait peut-être ce que je pourrais lui reprocher, cet excès de violence certainement pas nécessaire par moment.

J'aimerais d'abord m'attarder sur le personnage de Julian. Déjà, c'est pas un cadeau pour Gosling qui va encore se faire des ennemis et qui va partager les critiques concernant sa performance. Personnellement je l'ai trouvé électrisant, correspondant parfaitement a l'idée que l'on peut se faire de Julian. Un personnage torturé, traumatisé par sa jeunesse. Refn pose ses problèmes les uns après les autres d'une manière intelligente et pourtant si simple. Ses mains. Ses mains qui demandent réconfort auprès du sexe féminin, le seul endroit où il s'est peut-être senti en sécurité et aimé. Tous ces gros plans sur ses mains qui semblent renfermées plus que de la chair et du sang. Car dans ses mains on y retrouve surtout de la violence et de la colère longuement emprisonnée, qui ne demande qu'à s'échapper. C'est une barrière, une cicatrice du passé, que seul Dieu pourrait effacer.

Dieu. Un bien petit mot pour une grande signification. Pas de figure mystique venant du ciel ici. Seulement un chef de police, qui est juge, jury et bourreau. Un homme violent ne respectant que sa loi et son point de vue de la justice. Lorsque son sabre fend l'air, justice est faite. Dieu a parlé. Le voilà le vrai Dieu. A Bangkok, aucune figure divine venant de l'au-delà exerçant les prières des gens. Le seul vrai Dieu est celui qui rend la justice nous dit Refn. Celui qui délivrera Julian de son maléfice et qui protégera le faible et l'opprimé. Quoi qu'il arrive.

L'utilisation de la musique est une des choses les plus importantes dans l'univers de Refn. On se souvient de l'ouverture de Pusher à grand coup de batterie et de ce riff de guitare. On se souvient bien entendu de Nightcall, résonnant sur des lettres violettes dans Drive. Ici, on ne change pas tant que ça de registre. Les orgues et le synthé sont toujours là et, dès les premières minutes, oppressent le spectateur et, associés à la mise en scène froide, rigide et cadrée (encore un jeu de mot pourri, je suis fatigué), créent une prison de laquelle il ne peut sortir. Jusqu'à ce que le Dieu le libère. La figure divine prend ici une forme libératrice, là où elle était surtout bourreau, tout le long du film. Deux facettes très opposées qui rendent ce personnage de Chang vraiment fascinant.

J'ai beaucoup parlé des personnages mais parlons des acteurs. Gosling, je l'ai dis plus haut, j'approuve. Kristin Scott Thomas, que j'ai toujours du mal à reconnaître, est surprenante, elle arrive à transmettre l'autorité, la grâce et la violence, dont déborde son personnage, grâce à son seul visage crispé. Et puis il y a Vithaya Pansringarm, l'Ange de la vengeance, la vraie surprise du film. Il est impressionnant de calme et ne transmet aucune émotion à travers son visage. Un dieu qui ne ressent rien, et qui ne fait qu'appliquer sa justice. Il est parfait et colle à merveille au rôle.

Le nouveau film de NWR, aura partagé, aura créé des polémiques, des vidages de salles (vidage est un bien vilain mot), mais il aura surtout marqué les esprits. Beaucoup s'attendaient à un Drive 2, beaucoup, et je le comprend, sont repartis déçu.

Mais, ce que je retiendrai, c'est cette mise en scène qui est de plus en plus impressionnante, film après film, c'est ce voyage à Bangkok, au milieu de néons et d'une lumière rouge sang, teintée de noir absolument magnifique.

Et ce qui restera et que l'on n'oubliera pas, c'est la prison colorée qu'est, et restera, Only God Forgives.

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le 31 juil. 2013

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