Y a t-il une vie après "Drive" ? Le précédent film de Nicolas Winding Refn avait reçu un tel succès critique et commercial, créé tant d'espoirs (notamment à Cannes, où le réalisateur s'est présenté à nouveau aujourd'hui), que j'attendais pas mal de choses d'"Only God Forgives". Premier constat : je n'ai pas été déçu.

L'histoire plonge à nouveau dans les bas-fonds d'une ville. Après Los Angeles, Winding Refn s'attaque à Bangkok. Le film est d'ailleurs présenté à Cannes sous pavillon thaïlandais, le thaï étant la langue principale, les acteurs étant majoritairement thaïlandais. C'est une histoire de vengeance, prenant une scénario assez simple, comme c'était le cas pour "Drive" : Billy, le frère de Julian (Ryan Gosling), est tué après une histoire affreuse de viol et de meurtre. La mère de Julian (Kristin Scott Thomas) vient s'assurer que les assassins de son fils seront tués en retour, mais Julian considère que son frère, qu'il n'aimait pas, mérite ce qu'il a reçu. Le système psychologique se déroule alors, autour de Julian, dont la personnalité se découvre au fur et à mesure du film.

Les deux éléments les plus importants sont, me semble t-il, le rouge et le silence. Dans "Drive", c'était le bleu qui prédominait. En plus d'une autre ville, Winding Refn explore une autre couleur. L'exploration commence par la réplique de Billy "It's time to meet the devil" : le ton est lancé, nous plongeons plus bas que terre, au fond du meurtre, du désir de meurtre, mais aussi du complexe d’Oedipe qui anime Julian. Le silence, comme dans "Drive", est omniprésent : l'image dit tout ; et, face à tant d'horreurs, il n'y a peut-être rien à dire. D'ailleurs, le film est d'une très grande violence. Non pas la violence esthétisée d'un Tarantino ou des films d'action qu'on nous sort par dizaines, mais d'une violence qui donne une terrible impression de réalité (on se dit que "c'est sans doute comme ça dans la réalité").

Le personnage important est celui du flic thaïlandais (Vithaya Pansringarm) qui est une sorte de justicier, un "Ange de la Vengeance", comme l'était le personnage de Gosling dans "Drive". Tout ce qu'il fait est couronné de succès, et il finit par mettre une raclée à Gosling. Il est lui aussi silencieux, seule sa vengeance parle, et son katana qui en fait un personnage sorti d'un autre temps pour venir mettre de l'ordre dans ces temps modernes où rien ne va plus.

Quant à la performance de Ryan Gosling, elle est sensiblement la même que dans "Drive" : ce visage inexpressif, qui indique bien que Julian subit complètement des situations sur lesquelles il ne peut avoir aucun contrôle. Mais Winding Refn décide cette fois de prendre le contre-pied de toute cette folie de soi-disant "sex-symbol" qui tourne autour de Ryan Gosling depuis "Drive". Dans ce dernier film, Gosling était magnifié, avec de longs plans sur son visage sous une belle lumière bleue. Ici, il est montré dans la pénombre, puis se fait démolir, d'abord par sa mère, puis par le flic thaïlandais. A la fin, son visage est buriné : les vingt dernières minutes, c'est sa gueule cassée qui est mise en valeur : son œil défoncé, le sang sur sa chemise. La salle n'a pu s'empêcher de rire en voyant le réalisateur jouer avec le mythe qu'il avait créé autour de son acteur.

Finalement, "Only God Forgives " est un très bon film. C'est sans doute dû au fait que j'aime les films emplis de silence et d'images esthétisantes. Mais il mérite en tout cas d'être vu, rien que pour la mise en scène et la capacité à faire des images très fortes.

Créée

le 28 déc. 2013

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