Les archives James Bond, dossier 4: Bond de fond

Quotient James Bondien: 6,58
(décomposé comme suit:)


BO: 8/10

De Bons baisers de Russie jusqu'Au service secret de sa Majesté, John Barry ne compose que des bandes originales d'exception, qui propulsent les aventures déjà extraordinaires d'un agent secret vers un univers encore plus sublimé. Un univers qui ne nous hante pas seulement par ses images marquantes mais aussi par son habillage sonore unique. Croisement parfait de la musique symphonique et de ce que la pop glamour des sixties pouvait proposer de meilleur, le travail du compositeur s'inscrit avec les James Bond au panthéon des compositeurs les plus prolifiques et majestueux. Un James Bond sans une partition de Barry n'est pas totalement complet.


Titre générique: 8/10
Une nouvelle histoire d'urgence. Le Kiss Kiss Bang Bang composé par Barry et interprété par Shirley Bassey (puis Dionne Warwick) est abandonné à 10 jours de la sortie du film, car Broccoli et Saltzman tranchent finalement à propos d'une question qui les taraude depuis des semaines: la chanson du générique doit comporter le nom du film, pour que son succès sur les ondes serve la publicité du film. John Barry compose ce nouveau titre en un temps record, et le propose à Tom Jones dont la carrière se lance, et qui livre une performance totale (ce qui fait réaliser à Barry qu'entre cette interprétation et celle de Bassey sur Goldfinger, il pourrait faire chanter le bottin que titre fonctionnerait encore).


Séquence pré-générique: 6/10

Quelques détails gênent pour permettre à cette séquence désormais établie de rester dans les mémoires. Le combat (comme la scène finale du Disco Volante) est trop accéléré pour encore faire effet 60 ans après, et le moment de bravoure, un tour en jet-pack est un poil trop artificielle pour convaincre. Et puis, Bond avec un casque, c'est un grand non.


Générique: 7/10
Maurice Binder, qui n'avait jusque-là que contribué à la saga par l'invention du Gun Barrel (ce qui pourrait suffire pour toute carrière honorable) remplace Brownjohn pour la conception des génériques Bondiens. L'idée est à la fois simple et terriblement graphique: faire nager trois modèles dans le bassin de Pinewood (qu'on fait chauffer chaque nuit), puisque le film se passe en garde partie sous l'eau. Efficace.


James Bond Girls: 7/10
Elles sont nombreuses, et presque toutes marquantes. Plus encore peut-être que Claudine Augier, ex-miss France l'inoubliable Domino, ou Patricia l'employée de la clinique de remise en forme, c'est sans doute Luciana Paluzzi qui interprète Fiona Volpe, la tueuse au service de Largo, qui imprime la pellicule, comme ennemie principale de Bond. C'est aussi elle qui demande à Sean de lui donner quelque chose pour se vêtir et lui permettre de sortir de la baignoire, et se voit proposer des chaussons. Pour la légende.


Méchant(s): 6/10

Le boss de Fiona, Largo, succède à Goldfinger d'une manière peut-être un tout petit peu pâlotte. Certes, son bandeau, sa piscine remplie de requins ou son accès au QG de SPECTRE à Paris font bien partie du mythe Bondien, mais il manque sans doute un petit quelque chose pour appartenir au gratin de la discipline.
Bon, et puis zut, verra-ton enfin un jour ce fameux n°1 à qui il rend ses comptes, bon sang ?


Cascades: 6/10
Avoir fait venir une des seules personnes au monde capable de faire fonctionner (pas plus de 21 secondes) le fameux jet-pack en plein développement en cette année 65 est en soit suffisant pour donner plus de la moyenne à cette rubrique. C'est d'ailleurs à cause de ce même pilote que Bond porte ce satané casque: sans lui, pas de cascade. Ainsi soit-il.


Scénar: 6/10

L'équilibre entre le fun et le plus sérieux commence déjà à pencher très légèrement (mais dangereusement) du côté de la caricature avec des raccourcis scénaristiques parfois décevants (comme, dès les premières minutes, cette coïncidence stupéfiante qui fait que Bond se trouve exactement dans la clinique privée à partir de laquelle Largo lance sa menace planétaire) et un emploi de gadgets (comme le jet-pack) un peu artificielle et… pour ainsi dire gadget.


Décors: 6/10

Certes, beaucoup des décors commencent à prendre des dimensions épiques (le briefing des 00, le QG de SPECTRE), mais on sent bien que cette fois Ken Adam et Peter Lamont se sont plus amusés sur les appareils marins et sous-marins que sur les décors terrestres.


Mise en scène: 6/10
Terrence Young est de retour derrière la caméra, et si le tout semble plus maitrisé (plus de temps, plus de moyens) que pour les deux premiers épisodes, quelques détails supportent assez mal le passage du temps, comme ces passages accélérés ou d'autres moments liés à l'action, manquant singulièrement d'ampleur.


Gadgets: 7/10
Le film en regorge (le jet-pack, le magnéto dans l'annuaire, la montre à compteur Geiger, le respirateur amphibie, la balise à ingérer, et bien entendu l'Aston Martin dans le pré-générique). L'anecdote la plus rigolote concerne le respirateur, puisqu'un ingénieur de l'armée anglaise a contacté la production pour en savoir plus sur l'appareil. Quand la question "combien de temps peut-on tenir sous l'eau avec lui ?", John Stears n'a pas résisté à répondre avec aplomb "Ah ça, je peux vous le dire exactement ! Aussi longtemps que vous pouvez garder votre souffle !", ce qui a contribué à mettre fin prématurément à la conversation.


Interprétation: 6/10
S'il n'y a pas de performance indigne, il n'y en a pas non plus de complètement marquante.


JAMES BOND ROUTINE:


- Drague: Sean est en pleine possession de ses moyens et saute sur tout ce qui bouge: la masseuse, Domino, et Fiona Volpe. Notons que la première séquence aurait bien du mal à passer aujourd'hui, James se montrant sans doute un peu trop persuasif et n'hésitant pas à évoquer un possible chantage si la charmante Patricia se refuse à elle. Heureusement que la suite semble indiquer qu'elle n'attendait que ça.


- Plus loin que le bisou ? Dans la douche avec Molly Peters (avec une nudité en transparence), au lit avec Fiona et sous la mer avec Domino. Ça doit être harassant pour ce pauvre héros.



- Bravoure: Plonger dans un coin de mer empli de requin pour retrouver une épave. Sinon, James ne fait que réagir (superbement) à sa mise en danger.


- Collègues présents: TOUS LES 00 DU PAYS ! ET DANS LA MÊME PIÈCE ! La tentation première était d'ailleurs de réunir tous les acteurs connus ayant incarné des espions (Michael Caine, Richard Burton, et même Partick Macnee, entre autres…) Mais l'idée a vite tourné court, parce que certains de ces acteurs demandaient un cachet trop important, mais aussi parce que finalement, faire de la pub aux autres films de ce genre n'était pas forcément génial.



- Scène de Casino ? Parfaitement. Faudra d'ailleurs qu'on nous explique comment James parvient à avoir en permanence cette chance insolente au jeu.


- My name is Bond, James Bond: Non, et c'est d'autant peu frustrant que plusieurs, on lui tend la perche. A croire qu'il fait exprès de ne pas la saisir.


- Shaken, not stirred: Non plus. Mais de manière générale, James picole très peu dans cet épisode.


- Séquence Q: La première qui se joue à l'extérieur ! La chemise fleurie va à merveille à Desmond Llewelyn, qui manque cependant de répartie cinglante. La scène se termine sur une question candide de James, qui manque singulièrement de saveur.


- Changement de personnel au MI6: L'équipe est stable. Felix Leiter ne l'est toujours pas, puisqu'il s'agit du troisième acteur en trois apparition (je n'ai d'ailleurs jamais lu de déclaration des producteurs sur ce sujet pour expliquer ce mystère permanent).


- Comment le méchant se rate pour éliminer Bond: Il y a la table de massage mécanique un peu paresseusement lancée (OK, c'est pour faire passer la chose pour un accident), un harpon qui manque sa cible et enfin, Largo qui couvre la piscine avant d'ouvrir la trappe au requins. Alors qu'une rafale de mitraillette aurait été tellement plus rapide et définitive…


- Le même méchant tue-t-il un de ses sidekicks ? Le numéro 9 de chez SPECTRE, dans la salle de briefing. Puis le faux pilote. Et enfin un acolyte jeté dans la piscine.


- Nombre d'ennemis tués au cours du film: 17 ! Soit près du double de ma moyenne des trois films précédents. On franchit un cap ici.


- Punchline drolatique après avoir éliminé un adversaire ? "Ça vous ennuie si mon amie s'assoit ici ? Elle est morte !" suivi plus tard d'un "I think he got the point" quand Vargas est harponné sur un tronc


- Un millésime demandé ? Don Perignon 55.



- Compte à rebours ? Point ici.


- Véhicules pilotés: Une Aston Martin DB5, un jet-pack, une voiture américaine, un propulseur sous-marin et brièvement le Disco Volante.



- Pays visités: France, Angleterre (en dehors de Londres), Les Bahamas.



- Lieu du duel final: Un bateau, mélange de catamaran et d'hydroptère.


- Final à deux dans une embarcation perdue en mer ? Oui, dans un chouette canot de sauvetage tout jaune, avant d'être embarqué en harnais par un avion de sauvetage.


PRE-PRODUCTION


Un petit retour s’impose sur un des deux romans qui ne tombèrent pas dans l’escarcelle de Harry Saltzman et Albert Broccoli.
Ils ne purent récupérer les droits de Casino Royale à cause d’une première diffusion télé aux Etats-Unis dès les années 50. Le cas de Thundeball est plus compliqué.
Ivar Bryce, ami de longue date de Ian Fleming, lui propose de lancer un projet original de cinéma, avec son héros James Bond. Associés à Ernest Cueno et au producteur Kevin McClory, il propose à l’auteur une histoire originale que Fleming retraite quasi-entièrement. C’est finalement à trois (Fleming, McClory et le scénariste Whittingham) qu’ils établissent une deuxième version, à laquelle Fleming trouve le titre Thunderball , inspiré par les essais nucléaires américains dans le Pacifique.
Le tournage devait débuter en août 1960 (deux ans avant Dr. No, donc) mais le financement du projet (pour près de 3 millions de dollars, soit autant que Goldfinger quatre ans après) tombe à l’eau.
Du coup, Fleming transforme le scénario en roman. Le huitième de son héros.
McClory et Whittingham ne l’entendent pas de cette oreille et intentent un procès à l’auteur britannique, car ils considèrent à juste titre qu’ils ont largement contribué à développer cette histoire.


EON productions voulait faire de cette histoire sa première adaptation cinématographique. Richard Maibaum en réalise une première version scénarisée (amusant quand on sait que justement à la base l’histoire est un script) mais quand Broccoli et Saltzman rencontrent McClory, ils comprennent que les difficultés légales sont loin d’être terminées. Ils optent donc pour Dr. No.


Il faut pas moins de trois ans pour que le différent juridique soit résolu, McClory et Whittingham obtenant que leur noms soient associés à celui de Fleming sur toutes les rééditions du roman (avec les droits financiers correspondants). Mais surtout McClory peut enfin produire le film dont il rêvait depuis des années. Sauf qu'entretemps, Broccoli et Saltzman ont fait de la franchise le succès colossal que l’on sait. Les deux parties comprennent vite qu’ils ont tout intérêt à s’associer: McClory pour bénéficier du savoir-faire et du vent porteur des trois premiers Bond, Broccoli et Saltzman pour récupérer la possibilité de mettre en scène un des romans les plus spectaculaires de Fleming, et éviter que la saga se disperse entre productions concurrentes.


Au service secret de sa Majesté était prêt à succéder à Goldfinger, mais cet accord précipite les choses. Ce sera donc Thunderball. Richard Maibaum (qui a entretemps travaillé sur les trois premiers films) reprend son traitement de 61 et le revisite, à la lumière de ce qui a fonctionné depuis. Les enjeux sont importants, d’abord par le budget du film (9 millions de dollars, alors que les premiers films avaient bénéficié de budgets de 1, 2 et 3 millions) et une association avec un producteur novice qui n’avait accouché que d’un long-métrage, qui avait fait un flop. Ce film sera donc le seul de toute l’histoire des Bond officiels dans lequel Saltzman et Broccoli sont crédités du rôle de producteurs exécutifs, McClory étant le producteur principal.


Ken Adam et Peter Lamont (qui vient de travailler sur Icpress, un autre agent anglais incarné par Michael Caine) se rendent aux Bahamas pour les premiers repérages, et très vite Adam, le désormais célèbre décorateur de la série, se projette cette fois dans la conception des engins amphibies et du bateau de Largo. Pour ces premiers, il laisse libre-court à son imagination et pense que ses idées seront irréalisables. Une société américaine se propose alors de passer du papier à la réalité, et cela lui donne des ailes pour toute la suite de sa carrière: quelles que soient ses idées, il sait maintenant qu’un fou, quelque part, sera en capacité de leur donner corps.


Pour le rôle de Domino, nos producteurs pensent à Raquel Welsh, mais Dick Zanuck les supplie de lui laisser exploiter sa protégée. Ce sera donc Claudine Auger, ex-miss France, l'heureuse élue.


TOURNAGE


Le tournage débute en février 65, en France, dans le château d’Anet.
Curieusement, Guy Hamilton, qui vient de signer le plus gros carton de la série, décline l’invitation qui lui est faite de rempiler, au prétexte qu’il ne sait plus quoi apporter à l’espion anglais, ayant l’impression d’être à court d’idées. C’est donc Terrence Young, réalisateur des deux premiers films, qui accepte cette fois les conditions financières proposées par les deux producteurs.


La courte escale française laisse quelques souvenirs impérissables à l’équipe. Comme quand le trio Young-Connery-Adam impose à Bob Simmons, le cascadeur habituel de l’acteur écossais qui interprète cette fois la fausse madame Bouvard dans la première séquence, de s’habiller en veuve dès sa chambre du George V, et traverser l’hôtel jusqu’à la voiture qui le conduira au château.


De retour aux désormais traditionnels studios Pinewood, le travail se développe dans une sérénité nouvelle. Chacun sait et sent qu’il est en train de participer à un immense succès à venir. D'autant que les premiers films continuent à remplir les salles, en ressortant continuellement en programmes doubles. Une atmosphère détendue qui permet à Sean Connery de ne pas oublier de se comporter comme le gentleman qu’il est: blessant bien involontairement le cascadeur Bill Sawyer (lors de la scène où ce dernier passe à travers une fenêtre, dans la clinique), il offre au blessé un double cognac le soir même, et s’inquiètera de sa guérison pendant tout le tournage, à chaque fois qu’ils se croisent.


Le dramaturge John Hopkins, qui a travaillé sur Funerals in Berlin (la suite d’Icpress), est appelé pour reprendre le script, et va finalement rester jusqu’au bout, pour remodeler en profondeur de nombreuses scènes.
Néanmoins, quelques fulgurances sont comme d'habitude dues au duo Young-Connery, comme le fait de tendre les chaussons de Fiona pour lui permettre de s'habiller (dans ce cas précis, une idée de Young). Dans la continuité de cette même scène, les scénaristes se permettent de répondre aux critiques en plaçant dans la bouche de Fiona Volpe une tirade sur le charme supposé irrésistible qu'exerce Bond sur la gente féminine, dont elle n'est pas dupe.


En mars, toute l'équipe du film (plus de 100 personnes ce qui est colossal pour l'époque, plus 12,5 tonnes de matériel) s'envole pour Nassau. C'est à Ricou Browning que l'on confie le tournage des séquences sous-marines (après que l'on ait considéré la possibilité de demander la chose au commande Cousteau et son équipe), et ce n'est rien de dire que la chose lui fut déléguée: après avoir expliqué ce qu'il voulait, Young ne vérifie presque aucun rush, faisant une confiance totale à l'homme qui fut avant ce travail en charge de séries comme les Aquanauts ou Flipper le Dauphin.
Pourtant les défis sont nombreux, d'autant que les possibilités de communiquer sous l'eau n'existent pas encore. Il faut tout répéter à terre ou dans le bateau et reproduire les trajectoires prévues sous l'eau. Le matériel utilisé est très cher et est régulièrement perdu par le fond par les différents membres du tournage, ce qui donna l'occasion à une véritable armée de pilleurs de récupérer différents équipements dès que les plongeurs quittent les zones du tournage.
Ce qui fit que le responsable de la société Ivan Tors Film, pour laquelle Browning travaillait, demanda aux autorités de surveiller les allers et venues des "plongeurs" de la région, et se retrouva le premier arrêté par la police, avec son propre matériel dans le coffre.


Nassau est le théâtre de deux anecdotes amusantes: pour la scène du casino, la production a l'idée d'inviter les notables locaux, afin qu'ils vienne avec leurs propres habits, forcement adaptés à leur rôle. Pour se faire, il est annoncé que caviar et Don Perignon sont au menu. C'est aussi dans la ville que la scène de carnaval est prévue, et ce sont les habitants eux-mêmes qui, trop contents de figurer dans un James Bond, le montent et l'organisent. La principale difficulté pour l'équipe fut de ne pas filmer le plus gros des chariots arborant les chiffres 007.


Ken Adam s'est donc beaucoup amusé avec la conception des différents bateaux, au premier rang desquels trône le Disco Volante, dont les deux parties emboitées semblaient délirantes sur le papier mais ont si bien fonctionné au tournage qu'une seule prise fit nécessaire pour en voir la séparation. Ce qui permit à Young de profiter du reste de sa journée pour aller jouer au golf avec Connery.
Un bateau qui disparut dans ce qui fut, sans doute, la plus grosse explosion de l'histoire du cinéma à l'époque: John Stears teste un produit explosif qu'il ne connaissait pas, sans répétition préalable. Après que la mer se soit ouverte devant lui et son équipe, il put établir que la carcasse du bateau mis plus de 5 minutes et demie à retomber dans la mer, minutes pendant lesquelles ils furent tous soulagés d'avoir été épargnés par les différentes pièces qui pleuvaient autour d'eux.
De retour à Nassau, à plus de 50 kilomètres de là, ils purent également constater que toutes les fenêtres du rivage avaient volé en éclat.


Le dernier endroit riche en surprises est la villa aux deux piscines d'eau salée. Les requins sont péchés dans les jours précédent le tournage et apportés sur place à l'aide de grues. La principale inquiétude de l'équipe concerne les propriétaires du lieu, qui ont l'habitude de s'enfiler de nombreux whisky en terrasse tous les soirs. La production craint la chute malencontreuse, et pour s'en prémunir, poste un vigile en extérieur jusqu'à ce que tout le monde aille se coucher.
Un grand plexiglas est disposé dans la piscine pour séparer Connery des gros prédateurs aquatiques, mais sur un des plans gardés dans le film, l'acteur se rend compte qu'un des requins est passé par une des minuscules ouvertures qui subsistait (et dont il ignorait l'existence). Sa réaction à l'écran est véritable. La rapidité de sa sortie de piscine étant devenue légendaire parmi les techniciens.


Enfin, la scène de poursuite en voiture et en moto fut tourné à Silverstone, et le travail sur les cascades se professionnalise de manière visible: devant refaire la scène pour des raisons techniques, le résultat obtenu à l'écran fut, dans la salle de montage, identique à l'image près.


POST-PRODUCTION


Peter Hunt dispose d'un peu plus de temps que d'habitude pour monter le film, mais cette fois il le fait seul, puisque Terrence Young part dès les derniers plans tournés dans le sud de la France pour commencer une autre production. Quand Saltzman et Broccoli voient le résultat des premiers plans sous-marins, ils lui demandent d'allonger la séquence de combat final, qui passe de 4 à 9 minutes.


La trajectoire du succès des films poursuit sa montée inexorable. Aux États-Unis; des cinémas restent ouverts 24 heures sur 24 pour projeter en permanence le nouvel épisode de la sage. C'est quand un membre d'EON production, alors à New York, se rend compte qu'une séance à 2 heures du matin rend les gens hystériques qu'il prend conscience qu'ils sont en train de marquer à jamais l'histoire du cinéma.
Le film rapporte 142 millions de dollars dans l'année (58 millions de tickets vendus aux États-Unis) ce qui, au vu de son budget de départ (9 millions) et des produits dérivés vendus, et compte-tenu de l'inflation, fait de cet épisode 4 le plus rentable de toute l'histoire de la franchise.


John Stears reçoit le deuxième (et le dernier ?) oscar remporté par la série, pour les effets spéciaux, ce qui peut paraître particulièrement surprenant. Il s'y attend d'autant moins qu'il n'est pas sur place lors de la cérémonie. On lui demande un beau matin de venir récupérer à la poste un colis contenant la précieuse statuette dont il ignore encore le contenu, et surtout pour laquelle il doit s'acquitter des droits de douane !


L'accord passé avec Kevin McClory a permis de faire avancer les choses pour cette adaptation de Thunderball, mais l'exploitation des droits liés au roman resta très longtemps compliquée. Le producteur sera à l'origine du remake Jamais plus jamais qui sortira 18 ans plus tard, et la fin définitive du litige entre EON production (propriété de Saltzman et Broccoli, détentrice des droits des romans de Fleming) et McClory aura lieu le 15 novembre 2013 ! C'est à cette date que les producteurs officiels de Bond (devenus entre-temps la fille et le beau-fils de Albert C. Broccoli) pourront enfin utiliser le nom SPECTRE, ce qu'ils feront dès le film suivant, en guise de titre.


Quatre films, quatre cartons, de plus en plus spectaculaires. Un héros désormais mondialement connu, incarné par un acteur qui devenu star internationale. Le pari fou auquel très peu de gens croyait au départ est définitivement réussi, Harry Saltzman et Albert R. Broccoli, producteurs indépendants opérants en Grande-Bretagne viennent de réaliser un exploit rarissime dans l'univers du cinéma, empruntant une trajectoire unique à Hollywood (puisqu'ils travaillent pour United Artists).


Le clin d'œil: un mois après la sortie du film, une bombe atomique disparait réellement en mer méditerranée, à la suite du crash d'un avion de l'OTAN. La bombe sera finalement retrouvée sur le fond marin, sans qu'un agent du SPECTRE ne puisse être soupçonné de détournement.


LA CAUSERIE FINALE AU COIN DU FEU D'ONCLE NESS
(Un feu qui s'est répandu dans la jungle indienne, dont il essaie de s'éloigner sur un ripstick, accompagné par un bon millier de bêtes sauvages, et de la secrétaire locale de Greenpeace international, qui le regarde d'un œil légèrement désabusé, devinant confusément qu'il serait peut-être à l'origine de cet incendie, quand le repère secret du CAUCHEMAR a explosé quelques minutes après son passage…)


Le sentiment de sérénité que décrivent plusieurs personnes sur le plateau de ce quatrième James Bond fut sans doute aussi particulier qu'unique, car presque jamais, avant ou après ce film, les certitudes ne furent aussi solides.


Le succès hors-norme des trois premiers opus avait attiré en salle des cercles de spectateurs bien plus larges que les seuls amateurs de cinéma. En ce milieu des années 60, où le niveau de vie moyen général était en pleine expansion dans le monde occidental, les aventures d'un héros moderne et cool, combinant à merveille la fameuse et fatale association du sexe et de la mort (le éros et thanatos repris ad nauseam pas nos amis critiques) tombait pile dans une époque qui n'attendait que ça. Connaitre un frisson que l'on rêvait comme soudain accessible.


Les avantages d'une telle popularité étaient d'autant plus puissants qu'ils étaient encore dépourvus de ses inconvénients: peu de fans acharnés pour décortiquer où et comment la production pouvait avoir commis une faute de goûts (au-delà des jeunes fans évoqués par Guy Hamilton après Goldfinger), pas encore de gardiens du temple inflexibles reprochant les écarts par rapport aux romans, pas de caisse de résonance contestataire pouvant avoir recours à des réseaux de type sociaux et pas encore de fan service à satisfaire.


Sean Connery, adoubé par Ian Fleming, faisait une telle unanimité que la route semblait toute tracée pour une série de succès toujours plus certaine. La source des romans à adapter était encore copieusement alimentée, et les seuls soucis des producteurs semblaient presque futiles: conserver un équilibre entre spectaculaire et crédible, éviter le piège de la caricature et savoir comment utiliser les budgets de plus en plus conséquents.


Le destin de ce Opération Tonnerre n'allait pas remettre en cause ce genre de certitudes, les coins de la planète inédits à explorer par le héros (comme ici les fonds sous-marins) semblant infinis. Pourtant, comme tout le monde allait rapidement s'en rendre compte, les nuages n'allaient pas tarder à s'accumuler au fond de cet horizon depuis peu immaculé. A cause d'un acteur fatigué par les aspects ahurissants de cette popularité hors-norme, par une escalade des moyens qui allait rapidement condamner à une surenchère permanente confinant au ridicule, par un début de lassitude des audiences qui allait bientôt chercher des modèles plus dissidents, l'âge d'or de la série, au moins en termes de production, allait rapidement prendre fin.


Ceci est le dixième dossier des 27 que comporte la série des Archives James Bond


Un dossier à retrouver avec musique et illustration sur The Geeker Thing

guyness

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