Je suis Lucas Belvaux depuis un bon moment et j'apprécie sa fibre humaniste, son regard aiguisé sur la société et sa manière d'en tirer partie.
En apprenant qu'il allait nous réaliser une "comédie romantique" sur les différences sociales, je me suis dit : "Mais non Lucas, tu ne vas pas nous livrer un plat de clichés indigestes, pas toi !".
Je m'inquiétais beaucoup sur la manière dont il allait se tirer de cette situation casse-gueule et craignais donc une amère déception.
Un riche parisien, issu de bonne famille, intello parisien fêtard et professeur de philosophie qui rencontre une fille du Nord, provinciale dans l'âme, coiffeuse de son état et mère célibataire qui plus est sont les éléments mis en avant pour marquer les oppositions entre les deux protagonistes de cette histoire d'amour.
Ce qui aurait été plus judicieux c'est de noter quand même qu'il s'agit plus de différences dans le mode d'appréhender une relation amoureuse qu'une simple question d'intellect. Elle est une amoureuse de la vie, lui est un cynique blasé. Elle conçoit une relation amoureuse comme une célébration des sentiments les plus absolus, il ne croit pas au couple.
Il s'agit non pas d'une personne intelligente face à une personne stupide mais c'est bien plus que ça. La lutte des classes y est dépeinte avec bien plus d'intelligence que ce que la promotion laisse à penser.
On ne fera pas assez l'éloge d'Emilie Dequenne, révélée par les frères Dardenne, qui est lumineuse, rayonnante mais qui se fane comme la fleur de ses illusions quand elle est blessée même si elle refuse de le montrer.
Elle est solaire, gaie, radieuse, souriante sans forcer, prend la vie avec une grande philosophie. Il est sombre, mélancolique et rien ne semble l'atteindre. Son indifférence lui sert de carapace, son parisiannisme justifie son mépris de l'Autre.
Ce sont ces deux personnalités encore plus que leur situation sociale qui va faire la différence ; même si les deux aspects sont corrélés et indissolubles. Lucas Belvaux ne se nie pas et reste fidèle à ses préoccupations même s'il prend quelques distances.
Il reste honnête avec lui-même et ses personnages. Il ne se ménage pas en acceptant de montrer sa préférence pour le monde de Clément même s'il a évidemment plus de sympathie pour Jennifer. L'interaction entre les deux univers se fait avec grande délicatesse : chacun tente d'ouvrir sa porte à l'autre, cherche à le faire entrer dans sa sphère. Des invitations, des cadeaux et l'on se révèle un peu plus à chaque fois jusqu'à la balade fatidique au Carnaval...
Rawi
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le 12 juin 2014

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Rawi

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