Le poids des actes.

Plus d’un an et demi après avoir fait un retour au divertissement familial, retour pour le père des Indiana Jones au cinéma d’auteur avec ses collaborations habituelles avec Tom Hanks et bien sur John Williams pour mettre en image l’affaire des Pentagon Papers. Un terme employé pour désigner les documents United States-Vietnam Relations, 1945-1967: A Study Prepared by the Department of Defense concernant les origines politique et économique de la guerre du Vietnam et qui a entraîné la lutte du Washington Post et des autres journaux américain (dont le New York Times, premier à se battre pour faire connaître la vérité) pour rendre ces révélations publiques.

Le sujet de la guerre du Vietnam, ça n’est pas un fait nouveau : on a tous au moins entendu parler d’un film traitant du sujet tant le cadre historique de ce conflit s’est prêté à plusieurs dénonciations filmique et on a l’impression d’avoir fait à peu près le tour du sujet et cette part d’histoire sombre a été laissé de côté dans les années 2000.

Pentagon Papers n’est pas tant que ça un film sur la guerre en lui-même, étant donné qu’on a plus un film focalisé sur la liberté journalistique conservant une réelle actualité avec notre époque et les faits récents qu’un film dénonciateur sur les origines d’un conflit USA/Vietnam. Ce conflit servant d'appui pour aborder la question du journalisme et de son indépendance.

Une plongée dans l’univers de la presse américaine des années 70 s’impose, mais aussi dans le contexte sociale et politique de l’époque sans pour autant être embourbé dans une lourdeur et la bien-pensée névrosante. Et sur l’aspect technique le talent du cinéaste n’est plus à discuter (de même pour le talent de chef opérateur de Janusz Kamiński qui travaille régulièrement aux côtés du papa d’E.T.), tant sur la dynamique de mouvement pour montrer la vie en plein essor du Washington Post. La caméra du vieux Spielberg étant toujours aussi fluide que baladeuse entre les bureaux du journal à travers ces habituels travelling et plan-séquence dans la demeure de Bradlee comme de Graham, quant ça ne sont pas les cadres qui arrivent à s’accorder avec le ton d’une scène (le plan en plongée tournant lentement autour de Meryl Streep au moment de choisir ou non de publier les documents gouvernementaux).

C’est pourtant dans le premier tiers que Pentagon Papers a du mal à complètement s’imposer. Hormis Catherine Graham et Ben Bradlee, l’ensemble des personnages étant, je trouve, plus relégué au statut de rôle fonctionnel mis au service de cette biopic que de réel personnage. Qu’on se comprenne bien : on les voir agir, interagir entre eux, Spielberg dresse un portrait identifiable de Katharine Graham dans un milieu qui reste assez conservatoire (pas tellement de problème avec le peu de féminisme apporté ici personnellement) et on voit qu’il ne traite jamais son sujet par-dessus la jambe mais l’impact est moins forte que d’autres de ses films d’auteurs comme La Liste de Schindler, Munich ou même Lincoln pour parler d’un film plus récent. La faute revenant aussi bien à une installation longuette (bien qu’aux dialogues très bien écrits) qu’à justement un manque d’identification ou juste d’intérêt complet à l’équipe du journal.

Cela dit, si Pentagon Papers ne me convainc pas autant que prévu de ce côté-là, il se rattrape largement sur la nature du sujet comme sur son traitement très loin de tout académisme propre au biopic ou adaptations de faits réels nominés chaque année aux Oscars du cinéma. Limitant les apparitions du président Nixon (toujours filmé de dos dans un carré de fenêtre à la maison Blanche) et préférant surtout se focaliser sur la vie en interne du journal et les enjeux et dilemmes affrontés par le Washington Post en cas de publication de documents confidentiel.

C’est dans ces moments là et lorsque les conséquences juridiques sont abordés par Spielberg que Pentagon Papers captive, la sous-intrigue de Graham voulant faire entrer le Washington Post en bourse (pas si féministe que ça bien qu’il y ait de ça dans certains plans ou passages) en vient à renforcer le poids de sa décision finale car pouvant mettre en péril tout ce pour quoi elle s’est battue et elle a travaillé.

Après j’ai un avis un peu moins déterminée quant au travail habituel de John Williams à la musique, sa bande-sonore étant très discrète les ¾ du temps bien qu’étant aussi énergique qu'habituellement symphonique quand elle doit servir un moment clé de l’affaire des Pentagons Papers. Quand bien même ce sont au moment ou l’on ressent le plus le poids des actions qu’elle intervient au service de la narration et des images.

Concrètement plus mineur que d’autres long-métrages du maître du septième art et par moment plus étiré, Pentagon Papers conserve néanmoins sans mal la patte de son auteur bien que plus posé. Dans la technique comme dans l’écriture et portée par le talent de ses acteurs (Tom Hanks et Meryl Streep, excellent comme d’habitude).
Plus mineur que d’autres œuvres du cinéaste, mais ça n’était que son premier film pour cette année. Attendons de voir ce qu’il en retournera avec Ready Player One !