Difficile de parler d'un film pareil. Ce qui suit sera une suite d'impressions, de questionnements.
Car Persona fait partie de ces films qui ne se livrent pas facilement, et on peut s'y perdre d'autant plus qu'on s'interroge et qu'on se passionne pour ce qu'on voit.
Persona, c'est une histoire simple : il y a deux femmes, une patiente et son infirmière. La patiente est mutique, l'infirmière prolixe. Leur relation va évoluer, devenir de plus en plus conflictuelle. Mais à la simplicité de l'histoire répond un dispositif expérimental, complexe. On se demande parfois où Bergman veut en venir exactement, même si on sent que tout cela est pensé, maîtrisé à fond, et la photographie est absolument superbe.
On remarque l'obstination de Bergman à filmer les visages, parfois comme on filmerait un paysage. Essaie-t-il de les percer à jour, ces visages, de trouver un sens, non dans les paroles, mais dans les visages eux-mêmes? Depuis Les communiants (un peu avant peut-être?), Dieu n'a plus la même place dans les films de Bergman. Il en scrute l'absence. Avec Lui disparaît le Sens. Les humains, laissés à eux-mêmes, s'enfoncent dans une terrifiante vacuité. Dans cette obcession des visages, faut-il y voir une nouvelle recherche de sens?
Persona me semble avoir des points communs avec Silence. Cette impossibilité pour les humains de réellement communiquer. Si l'on pouvait se passer de la parole, alors on pourrait peut-être, réellement, se comprendre.
Il y a cette séquence où les femmes se confondent : sont-elles deux avatars de la même femme? L'infirmière serait la conscience de la patiente, elle exprimerait (en son for intérieur), tout ce que cette personne mutique n'arriverait pas à exprimer. Son babillage serait un appel au secours? Peut-on réduire tout le film à un discours psychologique? J'ai l'impression que non.
La violence comme élément constituant le monde. Un clou enfoncé dans une main, un morceau de verre laissé sciemment là où l'autre marche pieds nus, l'irruption de soldats nazis, et les autres images horrifiques, sont les traces d'une réalité trop horrible pour être appréhendée, peut-être la raison des images fugaces entrevues dès l'ouverture : il vaudrait mieux ne pas trop s'y arrêter? Persona, alors, serait un film d'horreur, l'archétype même du cinéma d'horreur. Et pour échapper à toute cette horreur, on s'isole, dans une maison en bord de mer, mais cela ne suffit pas, elle est toujours là, qui rôde sous la surface (les morceaux de verre). On ne peut s'échapper.
Voilà donc quelques impressions sur Persona. Peut-être que, comme pour La clepsydre, un deuxième visionnage permettra d'éclaircir pas mal de points, et de remanier ceci en quelque chose de plus proche d'une affirmation.