Turner ne devrait pas se retrouver avec la figure recouverte d'écailles, condamné à errer sur l'océan jusqu'à la fin des temps. Il n'a pas été maudit mais sauver in-extremis par Jack Sparrow à la fin du 3ème volet, ce dernier lui ayant fait embroncher le cœur de Davy Jones. Par ce geste, Will a survécu pour se retrouver à la tête du Hollandais-Volant et lui a redonné sa raison d'être, recueillir l'âme de ceux décédés en mer et les faire passer de l'autre côté. En échange de quoi, il accède à l'immortalité, à la jeunesse éternelle et au droit de retourner à terre une fois tous les 10ans. Certes ce n'est pas une vie facile mais cette fin ne sonnait pas comme quelque chose de tragique, Will était parvenu à libérer l'âme de son père, avait vaincu la mort et pouvait passer le reste de son existence sur les flots à aider les autres. En outre, on nous faisait comprendre que sa relation avec Elizabeth était suffisamment forte pour surmonter cette épreuve et que le couple loin de s'oublier allait se retrouver chaque décennie pour profiter l'un de l'autre jusqu'à ce que la mort les sépare. A des années lumières du happy end forcé, Verbinski avait su terminer sa romance sur une note dramatique, mais avec une pointe d'espoir et de romantisme qui rendait cette conclusion touchante.
Et là, ce cinquième volet démoli tout sur son passage en nous montrant William devenu semblable à Davy Jones sans qu'aucune raison ne soit avancé pour expliquer cette évolution. Il était pourtant si facile d'éviter cette incohérence.
Si Elizabeth était morte, Will n'aurait plus aucune raison d’honorer son contrat pour regagner la terre ferme et aurait ainsi logiquement finit comme Jones. Comment ? Le scénariste souhaitait la maintenir en vie pour son happy end forcé ! Alors pourquoi ne pas avoir introduit le film avec Will revenant sur terre lorsqu'Henry fêtait ses 10ans, la scène où le fils promet à son père de retrouver le Trident de Neptune pour le libérer de son navire aurait été tout aussi réussit.


Vous allez me dire que je chouine sur un détail et effectivement c'est pas grand chose sur un film de 2h qui ne chie presque pas sur la saga d'origine. Mais ça en dit long sur le travail du scénariste Jeff Nathanson (déjà auteur du fameux Indiana Jones 4) et de ses ambitions pour ce cinquième épisode. Qu'il puisse ainsi ignorer un élément central du troisième épisode montre qu'il n'a aucune considération pour l’œuvre de ses prédécesseurs et il y a donc peu de chances qu'il était réceptif aux spécificités qui la rende à mes yeux unique.


Car la trilogie Pirates des Caraïbes n'était pas qu'une vulgaire licence à pognon comme tant d'autres de son époque. C'était un tout uni et cohérent mariant efficacement humour et tension dramatique afin de mettre en scène des aventures funs mais épiques, avec des enjeux importants et une teneur sombre et violente. L'histoire faisait la part belle à toute l'imagerie des pirates et des légendes maritimes tout en abordant en amont des questionnements liés à la mort, l'immortalité et la dichotomie du bien et du mal. Elle se présentait également comme une ode à la liberté symbolisée par les pirates, dont le comportement et la nature même de leur statut en faisait des êtres libres face à l'ordre froid et oppressif représenté par la compagnie des Indes.
Le quatrième volet était une suite aux motivations purement commerciales avec un scénario bancal et sans intérêt, mais il n'avait rien de honteux contrairement à ce cinquième film qui est pour moi le pire de toute cette saga.


Si Verbinski et ses deux scénaristes avaient l'ambition de faire quelque chose de grandiose avec leur univers, Nathanson lui se contente d'écrire un simple divertissement commercial avec des pirates, de la magie et des batailles navales mixées dans une bonne dose d'humour et d'action en tous genres. Tous les ingrédients qui en apparence font le succès de la saga mais en réalité ne sont que la surface d’œuvres bien moins simplistes qu'il n'y paraît.
Par conséquent, cette merde ne raconte rien, si ce n'est une histoire bancale servant juste de prétexte à enquiller de l'action, de l'humour, des SFX et de la 3D pendant plus de 2h. Aucun propos développé et aucun développement de personnages non plus. Ce dernier point mérite d'être souligné car dans la trilogie, tous les protagonistes même les plus secondaires bénéficiaient d'une attention particulière. Il y avait peu de personnages fonctions, tous étaient parfaitement caractérisés, correctement développés et les principaux connaissaient toujours une progression constante les faisant ainsi sensiblement évolués.
Ici si les protagonistes bénéficient d'une bonne caractérisation (encore que Gibbs et ses sbires sont quasiment inexistants), ils sont très peu développés et leur aventure ne les change en rien.


Au début j'ai cru que ce film se centrerait sur la renaissance de Jack Sparrow. Un jack que nous retrouvons sans Black Pearl, presque sans équipage et plus éméché que jamais. On peine vraiment à reconnaître notre anti-héros favori lors des premières minutes surtout lorsqu'il en est réduit à échanger son compas (le symbole absolu de sa soif d'aventure) contre une vulgaire bouteille de rom ce qui, justement, conduira Salazar à ses trousses. Ces indices me faisaient croire à une résurrection de Sparrow qui ferait écho non seulement à la licence en elle-même qui ne fait plus aussi fureur qu'auparavant, mais également à Johnny Depp dont la carrière vacille ces 5 dernières années et qui sur le plan personnel semble au fond du trou. Mais non, Sparrow reste le même tout au long du film et si à terme sa condition de vie a changé, mentalement il n'a pas évolué d'un iota. Aussi, si l'échange de son compas pouvait passer pour l'acte d'un capitaine vieillissant et dépressif, il apparaît finalement comme un comportement stupide et contreproductif ce qui est contraire à l'essence même du personnage.
Si notre pirate peut nous apparaître au premier abord comme un alcoolo bête et insignifiant, en vérité c'est un putain de calculateur qui se sert de son image pour mieux manipuler ses adversaires et obtenir ce qu'il veut. Jack Sparrow c'est le Saul Goodman de l'époque moderne, un authentique pirate avec un soupçon d'humanité qui en fait un homme de bien malgré son côté fripon.
Nathanson supprime toutes les nuances du personnage pour ne garder que son apparence de vaurien foufou qui fait rire les gosses et on ne le verra presque plus berner son entourage pour obtenir ce qu'il veut. Dans cette aventure, se sera d'avantage l'insupportable Carina qui sauvera la situation grâce à son intelligence et ses connaissances scientifiques et non par l’esbroufe comme cela avait toujours été le cas jusqu'à présent. Encore un point qui me fait dire que le scénariste n'a reprit que la couverture de la saga sans en comprendre ce qui faisait son essence et son intérêt.


Mais bref je m'égare. Jack n'est que l'exemple le plus parlant de la non-évolution des protagonistes au sein du récit. Il est donc difficile d'être pleinement investi pour ces personnages et pour leurs enjeux personnels. On tente vaguement d'épaissir le tout en tissant des relations entre tout ce beau monde mais à aucun moment la corde ne parvient à tenir.
-Le couple Henry/Carina n'a aucune raison d'être. Les personnages sont inintéressants, ils n'ont rien en commun, rien à faire ensemble et d'ailleurs leur romance est si mal construite qu'on s'étonne presque de les voir ensemble à la fin de l'histoire ou tout simplement de les voir soucier l'un de l'autre alors que leur couple était l'élément le plus prévisible du film.
-La relation entre Sparrow et ce couple de merde est inexistante. Contrairement à La Malédiction du Black Pearl dans lequel on sentait clairement une affection naître entre Elizabeth, Will et Jack, ici on a vraiment la sensation que le pirate ne se sert d'eux que pour obtenir le trident et donc on comprend mal pourquoi il finit par se soucier de leur sort lors du combat final et inversement pour les deux tourtereaux qui tentent à leur tour de le sauver.
-La relation entre Barbossa et Carina ne marche pas du tout en plus d'être complètement risible. Pourquoi ? Parce qu'elle est introduite dans le récit juste avant le combat final afin d'amorcer le sacrifice d'Hector pour sa fille et de rendre son geste plus émouvant. Non seulement c'est amené à la dernière minute de façon expéditive, mais en plus Barbossa n'en a absolument rien à foutre que cette meuf soit sa fille et ne va rien lui dire avant de subitement retourner sa veste et de mourir pour elle. C'est sans aucun doute l'instant le plus maladroit du long-métrage.
Seuls l'antagoniste et sa relation avec Sparrow sont plutôt bien réussis, car si il ne s'agit que d'un méchant très méchant frappé d'une malédiction, son design est très cool, son origin story bien pensée et le charisme fou de son interprète Javier Bardem en font un ennemi plus que correct.


Néanmoins, il ne suffit pas à fournir un grand intérêt à ce film au scénario basique et aux persos creux ou inintéressants. Et là je ne vous parle que de ce qui m'a le plus dérangé, mais le scénario est truffé de petits défauts à droite à gauche qui de fil en aiguille donne un produit bien décousu.


Vous allez me dire que j'en demandais beaucoup trop, que je surestime pas mal une saga qui n'a jamais été rien d'autre que du grand spectacle honnête et que dans la mesure où c'est ce que le film propose, pourquoi bouder ainsi son plaisir. En effet j'estime que Pirates des Caraïbes méritait beaucoup mieux sur le plan scénaristique, mais c'est une vision purement personnelle et si on omet son manque d'ambition, le scénar n'est pas non plus affreusement mauvais.
On sent malgré tout une vraie volonté de raconter une aventure fun et divertissante. Le récit regorge de péripéties et l'humour omniprésent fait souvent mouche. Moins que dans les précédents car si Verbinski parvenait à varier les tonalités dans sa trilogie en reléguant l'humour au second plan, ce film là ne se prend jamais trop au sérieux et contient donc beaucoup plus de gags et de péripéties cartoonesques pour amuser la galerie. Aussi si certaines blagues fonctionnent, d'autres semblent un peu plus forcées ou trop appuyées comme cette interminable scène digne d'un mauvais sketch d'Eric & Ramzy où les pirates pensent que Carina est une prostituée parce qu'elle se définit comme putative (parce que ça ressemble à pute mdr c rigolol hein ? Non attends t'as pas bien compris alors on va te refaire la blague plus tard dans le film et encore et encore jusqu'à ce que tu comprennes bien la contrepèterie hihihi). De manière générale on perd l'humour fin et burlesque des autres films au profit d'une lourdeur beauf plus affirmée.


Mais bon je serais de mauvaise fois si je ne retenais que ça du long-métrage. Il y a également de beaux échanges entre les protagonistes, beaucoup d'idées marrantes dans les scènes d'action comme lors de la libération de Jack par exemple et sans oublier un mariage aussi grotesque qu'improbable entre notre pirate et une paysanne sur l'île de... euh... bof appelons la...la Corse, ça colle bien avec les autochtones.


Quoi qu'il en soit, il y avait donc matière à faire de ce cinquième volet un blockbuster sympathique permettant de clôturer la saga sous une note positive et offrant au fan que je suis la possibilité d'admirer l'univers de mes rêves in Amazing Imax 3D. C'est tout ce que je demandais au film.


Hélas, La Vengeance de Salazar souffre d'un immense défaut qui plombe tout son ensemble, je veux bien-sûr parler de sa réalisation.
Terminer la maitrise de Gore Verbinski capable de composer des plans magnifiques, de mettre en valeur l’immensité de ses navires, de mettre en scène ses combats de manière épique, tout en étant également capable de proposer des ambiances plus sombres et oppressantes, avec ça et là quelques symboliques intéressantes dans le cadre pour appuyer visuellement l'évolution de ses protagonistes.
Rob Marshal qui lui avait succédé pour la réalisation du 4 n'avait pas effectué un travail bien mémorable, mais il avait l'excuse d'être limité par son faible budget.
Joachim Rønning et Espen Sandberg avec leur 230 millions de dollars alloués par la prod n'ont aucune excuse. Mais que pouvions nous espérez des mecs ayant réalisés Bandidas ? Pensiez vous qu'ils avaient fait des progrès en 10ans ? Que nenni.
Les deux norvégiens nous pondent une réal absolument indigeste, multipliant les gros plans mal-cadrés, les zooms dégueux à tout va, les ralentis so 2000 à la Matrix et le tout est rendu encore plus désagréable par un montage épileptique. Résultat, l'action est souvent bordélique, trop de choses se passe en même temps et tout va bien trop vite pour que l'on puisse être vraiment embarqué dans ce qui nous est montré à l'écran. Cela s'en ressent surtout lors du climix final dont les trois quarts des actions sont rendus illisibles et qui finit par coller la migraine à cause des images couplées au super son Dolby 2.0 mes couilles Mickey qui te fait perdre 20 fois plus d'ouïe qu'un concert de rock couillu.


C'est vraiment dommage car d'un point de vue technique, le film s'en sort globalement très bien. Bon, on passe sur la musique parce que Zimmer a quitté le navire et que son remplaçant ne compose rien de marquant, se contentant de reprendre les meilleurs thèmes sans se les réapproprier pour créer quelque chose de neuf.
Pour le reste, la direction artistique est toujours aussi sublime, la photographie idem et les Effets Spéciaux sont complètement fous. J’avais de sérieuses inquiétudes au vu de la bande-annonce mais nulle doute que la post-prod n'était pas terminée à ce moment là. Dans le film, les SFX sont d'une qualité indéniable. On croit sans soucis aux corps calcinés à moitié décomposés qui se présentent à nous, et alors le rajeunissement de Jack.... Je ne sais pas comment ils se sont débrouillés (maquillage, retouches numériques, sosie) mais l'illusion est parfaite.
Oui visuellement le film a de la gueule et c'est vraiment rageant qu'il soit à ce point desservit par une mise en scène qui ne le met jamais en valeur. Et les problèmes de montage que j'ai évoqué n'affectent pas que les scènes d'action. Le film entier va à 200/h sans presque jamais s'arrêter. Jamais les deux réals ne s'arrêtent pour poser une ambiance ou varier le rythme de leur film afin de créer une tension dramatique. On passe d'une scène à une autre sans le moindre temps mort ce que certains apprécieront sans doute mais résultat cela renforce notre détachement à l'histoire et fait perdre beaucoup d'ampleur aux séquences qui pourtant regorge de bonnes idées.


Le braquage de la banque, Jack Sparrow se battant avec une lame de guillotine, Jack et Salazar se courant après en sautant sur les canons de leurs vaisseaux respectifs. Se sont d'excellentes trouvailles qui bien misent en scène auraient pu donner lieu à d'excellents moments de bravoure. Ça aurait été formidable chez Verbinski, ça aurait été sympathique chez Marshal, ici seul l'idée plaît au spectateur, mais comme elle est mal exécutée, elle nous marque beaucoup moins.


Pirates des Caraïbes 5 est donc une déception. Une déception pour le fan de la trilogie d'origine, une déception pour le cinéphage fan de grand spectacle mais pas pour la Walt Disney Compagnie complètement tournée vers ses films de supers-héros et de SF qui lui assurent de beaux jours et qui n'en a mais alors rien à foutre du projet. Ce cinquième film avait été initié avant le rachat de Lucasfilm par la société, à l'époque, la saga était encore importante pour l'avenir financier du studio, aujourd'hui ce n'est plus le cas et une fois le contrat honoré, la page sera définitivement tournée.
Triste fin pour une licence qui aurait dû s'arrêter après le départ de son réalisateur initial ou qui, à défaut, aurait dû être reprit par des gens qui avaient vraiment envie de faire quelque chose avec l'univers et les personnages qui leur étaient offerts.
Qu'importe, de toute manière le grand public n'en avait plus rien à foutre de la saga. Les scores décevants au box office, le faible nombre de notes sur les sites spécialisés et l'indifférence générale dans laquelle il est sortit Mercredi dernier le confirment.


Ce qui me rend le plus triste, c'est que les retours critiques sont loin d'être désastreux. Globalement les gens apprécient plus ou moins ce dernier opus. Sur ce site il réussit à avoir quasiment la même note que le troisième film, ça me semble tellement improbable vu l'océan qualitatif qui sépare ces deux longs-métrages.
Alors si vous appréciez ce film, tant mieux pour vous, mais alors par pitié (re)voyez les trois premiers épisodes qui sont bien meilleurs à tous les niveaux que cette immondice. Peut-être que je surestime la trilogie par nostalgie mais pour les avoir revu récemment je peux vous garantir que ces films là vous offrirons des expériences bien supérieures en terme de divertissement pur.


PS: J'ai déjà écrit une critique sur les deux premiers films mais mon avis ayant un peu évolué je vais sûrement les passer en privé le temps de les réécrire.

Créée

le 31 mai 2017

Critique lue 721 fois

8 j'aime

Alfred Tordu

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