L'adaptation de jeu vidéo rêvée... ou pas

Les adaptations de jeux vidéo au cinéma ont toujours été synonymes d'échecs, d'une part parce que le concept-même de jouer est incompatible à l'écran, et d'autre part parce que les producteurs et metteurs en scène n'arrivent jamais à concilier adaptation pour le grand écran et retranscription fidèle. Il faut bien entendu autant satisfaire le spectateur lambda qui ne connait pas forcément le jeu adapté tout en assouvissant le fan hardcore qui n'y verra que blasphème à tous les niveaux. En ça, Détective Pikachu est ce que l'on peut aisément appeler une bonne adaptation de jeu vidéo. Mais en est-il un bon film ?

Réalisé par Rob Letterman, responsable des Voyages de Gulliver et Chair de poule (autant dire un metteur en scène relativement talentueux), Détective Pikachu est la première incursion – tardive – de l'univers Pokémon au cinéma. Et plutôt que de transposer les aventures de Sacha le dresseur aux prises avec la Team Rocket, Legendary Pictures préfère adapter le spin-off "Détective Pikachu" sorti sur 3DS en 2016 et qui était un Sherlock-like où le Pokémon jaune s'alliait à un adolescent pour retrouver le père de ce dernier. Une enquête plutôt fidèlement mise en image à l'écran et un choix judicieux des studios qui présentent l'univers Pokémon avec une certaine retenue, ne prenant pas le risque de bourrer le crâne des spectateurs avec les mignonnes bébêtes mais préférant proposer une enquête classique DANS l'univers des mignonnes bébêtes.

En cela, le long-métrage est une certaine réussite : univers crédible, assez bonne interaction entre humains et Pokémons, rythme quasiment sans temps mort... Letterman livre un film pour enfants efficace... pour les enfants.

Malheureusement prévisible de bout en bout, très mal interprété, rarement drôle (heureusement que Ryan Reynolds, qui double le héros-titre, balance ses habituelles vannes en dessous de la ceinture), Détective Pikachu ne s'adresse qu'à un public-cible et ce n'est clairement pas les adultes ou même les fans du jeu : ce sont les enfants en bas âge, stupides et peu exigeants, qui s’extasieront en voyant un Bulbizarre et un Pyroli et feront fi du scénario über-classique qu'ils ont eux-mêmes déjà vu des centaines de fois.

Et c'est là le principal défaut du film : tout a déjà été fait. On passera sur l'inutilité totale de l'agaçant personnage interprété par Kathryn Newton, des motivations floues du méchant ou – encore une fois – de l'utilité de la séquence dans la forêt, d'une rare laideur visuelle, défauts plus ou moins excusables, mais dans l'ensemble, Détective Pikachu n'a aucune identité et ressemble à toutes les productions pour gosses qu'on a vus depuis 30 ans. On ne demandait certainement pas une quelconque audace mais un scénario intelligent et des dialogues moins nunuches qui aurait ENFIN concilié transposition bête et fidèle et adaptation pensée pour le grand écran, film pour petits comme pour les grands.

Hélas, noyé dans une débilité infantilisante rare pour une production de 2019, cette première incursion chez les Pokémons est autant une adaptation réussie dans la forme qu'un film navrant pour quiconque possède un semblant de matière grise. Faire un film pour enfant n'est clairement pas une excuse pour les abrutir, qui plus est avec un tel scénario et un tel dénouement aussi alambiqué que ridicule. On aurait pu avoir une première dans le genre, on n'a au final qu'un téléfilm M6 à gros budget déjà-vu, revu et oublié.