Ponyo sur la falaise
7.4
Ponyo sur la falaise

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2008)

Que ce soit pour laver l'affront de son effronté de fils, ou simplement pour le plaisir de toucher une dernière fois (avant-dernière, vu qu'il s'est décidé à faire une suite à Porco Rosso, si j'ai bien compris (bon, c'est pas mon préféré, certes, mais de savoir que je pourrai me replonger dans un vrai Miyazaki, j'en frissonne d'avance!!) ), le Maître en personne a bougé son ancestral popotin et nous a offert... et bien du rêve, une fois de plus!

Si je me suis décidé à écrire une critique de ce film, c'est parce que, la première fois, je suis passé un peu à coté, et je ne l'ai qu'aimé (ce qui sur l'échelle d'estime dans laquelle je tiens l'oeuvre de Miyazaki correspondrait à "pas tip top" pour un réalisateur humain et mortel).
Je lui ai même trouvé un défaut, c'est dire! (eh oui, je n'ai pas trouvé Ponyo très "kawai" quand elle se transforme en poulet!)

Et je remercie donc le concours de circonstances qui m'a permis de redonner sa chance à ce condensé de plaisir qui offre en bloc ce que Disney n'effleure qu'occasionnellement et avec beaucoup moins de finesse.

Je suppose vraiment que ce qui motive sa création, c'est avant tout le long métrage de son fils, qui souille le nom en faisant, comme on pouvait le craindre, du sous Miyazaki, avec Les Contes de Terremer, un conte pour adulte sans réelle profondeur qui évoque le travail du père, emprunte certains de ses personnages et de ses mécanismes, respectivement le charisme et la finesse en moins. Bref, une triste parodie qui laisse amertume en bouche et larme à l'oeil.
Miyazaki Hayao reprend donc crayon et pinceaux pour attaquer une réponse à rebrousse-poil. En effet, plutôt que de rectifier le tir en donnant dans le Mononokisme aigu, le grandiloquent sombre et wagnérien, il décide de nous offrir un conte pour enfants, art dont il emportera certainement le secret dans la tombe, vu le nombre de créateurs qui se sont cassé les dents devant en s'aventurant dans ce terrain glissant.
Et il réussit à donner un successeur à Mon Voisin Totoro, ce qui n'est pas une mince affaire, et ce malgré l'absence d'une créature charismatique comme le dit Totoro.

La qualité de réalisation figure parmi les plus belles réussites du studio, les magistrales tempêtes en bord de mer, la façon dont se mêlent milieux aquatiques et urbains, la finesse des choix de couleurs crève la rétine et on ressort avec des étincelles dans les yeux.

Y voir des relents de La Petite Sirène, si ce n'est pas exactement faux, n'est pas particulièrement pertinent non plus, car Ponyo a plus à nous offrir.

Car la force de l'oeuvre de Miyazaki, c'est de nous offrir un univers où la magie existe, où le clivage entre un rationalisme adulte et rêves d'enfants n'a plus cours. Adultes et enfants sont confrontés au surnaturel, au mythe, uni dans une relation de confiance et de foi en la force du rêve. Pour ne rien gâcher, le tout est traité avec une sensibilité poétique émouvante, sans avoir recours à la ruse de vieux briscard : "je suis un enfant qui voit des choses magiques et personne ne me croit chez les grands parce qu'ils ne voient pas les choses magiques mais à la fin du film les choses magiques apparaissent pour de vrai et du coup les adultes finissent par me croire et s'excusent et on se fait des bisous et tout se finit bien et les choses magiques s'en vont en me faisant un clin d'oeil", avec la variante "et les adultes oublient tout parce qu'ils ne peuvent plus voir les choses magiques mais moi je sais qu'elles existent", ou "...mais tout ceci n'était qu'un rêve", ou encore... Bon, je m'arrête là, on ne va pas lister tous les clichés de ce genre de films quand même!!

Bref, on nage dans la magie, dans le rêve, on danse avec les dieux et déesses, et si l'on pourrait reprocher à Miyazaki de ne pas renouveler ses thématiques, je trouve que c'est justement une des forces majeures de son oeuvre, sa cohérence, chaque réalisation en tant qu'offrande aux forces de la nature et aux dieux qui l'habitent, au Rêve et ses divinités, et à l'enfance dans toute sa force et sa beauté, sans que la nostalgie qui se manifeste dès Totoro mais qui s'accentue au fil des années ne vienne ternir cet hommage à la vie et ses mystères.

Miyazaki nous délivre un message simple et essentiel : la magie existe, le réel est plus riche qu'il n'y paraît et les mystères son à portée de vue pour qui sait regarder.
Ou dit autrement : devenir adulte n'implique par nécessairement de tuer l'enfant qui sommeille en nous.

Et il le fait ici en nous offrant en prime une histoire d'amour pure dont il a le secret, et un discours écolo qui fait désormais office de marque de fabrique.



toma Uberwenig

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9
2

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