Garce Attacks!

Après quatre premiers films issus du cinéma indépendant, Gus Van Sant signe sa première œuvre de commande avec cette histoire librement inspirée de l'affaire Pamela Smart, jeune journaliste dans une télé locale ayant commandité le meurtre de son mari auprès de teenagers désœuvrés.

Faux polar et vraie satire sociale, "To die for" est une belle réussite, bénéficiant d'une interprétation de premier plan, autour d'une Nicole Kidman impressionnante en arriviste manipulatrice, et d'un Matt Dillon remarquable en italo-américain moyen, ayant eu le tort de s'enticher d'une garce.

Ce récit permet au réalisateur de "My own private Idaho" d'aborder des thèmes qui lui sont chers, avec l'apparition à mi-métrage d'un trio d'adolescents mal dégrossis, dont Van Sant propose un portrait empreint de justesse et d'empathie, en dépit de l'abjection des actes qui seront commis.

C'est aussi l'occasion de traiter des sujets déjà présents dans ses films précédents, tels que l'homosexualité (à travers le portrait de la jeune paumée, aux sentiments ambigus pour cette "prof" qui lui fait de si jolis cadeaux), la passion amoureuse ou encore l'amitié destructrice.
Van Sant se montre à nouveau inspiré dans ses choix de casting, contribuant à révéler les très jeunes Joaquin Phoenix, Casey Affleck et Alison Folland.

Pourtant, malgré ses qualités indéniables, "To die for" ne convainc pas complètement, la faute à un scénario très prévisible et linéaire - en dépit des tentatives du cinéaste de complexifier sa narration avec des flashbacks.
Le récit s'intensifie certes sur la fin, lorsque Van Sant s'éloigne de la véritable affaire Smart pour imaginer un dénouement romanesque plutôt bien trouvé - avec l'apparition de David Cronenberg dans un petit rôle. Mais disons qu'il ne faut pas regarder "To die for" pour son aspect polar/suspense, qui demeure assez anecdotique.

L'autre bémol n'est pas lié à une faiblesse du film, seulement à la tendance à vieillir rapidement de ces thématiques relatives aux médias. Ce drame précurseur en 1995 n'a plus le même impact 25 ans plus tard, tant le public a été abreuvé entre temps d'illustrations de l'obsession maladive des gens à se mettre en scène médiatiquement. Les réseaux sociaux ont notamment fait leur apparition, de sorte que le comportement de l'héroïne (sur ce plan-là) n'a plus la même incidence auprès du spectateur.

De même, en terme de mise en scène, le choix de faire témoigner les protagonistes en plan fixe face caméra, dans un "confessionnal" virtuel, était alors un parti-pris innovant de la part de Van Sant ; son impact est évidemment amoindri dès lors que chaque émission de télé-réalité en fait désormais un usage quotidien.