Prêtre
7.2
Prêtre

Film de Antonia Bird (1995)

Comme 90% de la population cinéphile mondiale, j'ai fait la connaissance d'Antonia Bird grâce à son western vampirique Vorace. Suite à un travail en binôme de recherche approfondi, j'ai choisi de mettre en avant un des films de la dame qui m'a le plus marquée et que j'estime d'une grande importance, presqu'autant que sa Cellule de Hambourg, indispensable dans un autre registre. Je vais faire mon possible afin de ne pas (trop) me répéter
Une oeuvre qui fait un tel scandale à sa sortie, provoque des menaces de mort et l'excommunication à l'encontre de son auteur mérite de ne pas tomber dans l'oubli malgré les nombreux prix reçus.


La scène d'introduction est un cri de révolte. Celui d'un homme de foi démissionné par sa hiérarchie contre l'Institution à laquelle il a voué sa vie. Armé d'un crucifix à taille humaine, il traverse sa paroisse pour évacuer sa rage en brisant les vitres de l'évêché.
Le jeune Père Greg, appelé pour le remplacer, entre ainsi en fonctions.
Oeuvrer dans cette communauté pauvre va ébranler la foi et les convictions de ce prêtre aux idéaux orthodoxes. Pétri de certitudes, il va ouvrir les yeux sur certaines réalités du quotidien et la vie de ses administrés et la frontière entre le secret de la confession et l'hypocrisie. Le père Matthew, Tom Wilkinson, incarnant cette humanité des hommes de Dieu.


Greg Pilkington va devoir choisir entre devenir un bon prêtre, soumis aux règles sourdes et aveugles de l'Eglise catholique ou un être humain lucide et solidaire en proie au doute.


La dualité du personnage se complexifie et apparaît au spectateur lorsqu'il ôte la soutane pour enfiler son blouson de cuir, comme Superman revêt celui du journaleux Clarke Kent. Comme lui, Greg doit se battre avec cette double identité en plus du reste.
Qui doit primer ? L'homme, le citoyen ou le prêtre ?
Au cours d'une connfession, Lisa le met face à l'impuissance du dogme, des règlees établies et des mots. Ses paroles sont vides, abstraites et inutiles face à ce qui vient de lui être confié. Il ne fait pas la différence entre la confession et la confidence et agit face à l'une comme s'il s'agissait de l'autre. Il choisit de se comporter en prêtre et non en adulte responsable. Le père Greg trouvera t'il la force de ne pas se contenter de ces pauvres mots et le courage d'agir en homme, de faire ce qui pourrait aider pour de bon la jeune fille ? Les actes efficaces et salvateurs face aux mots, doux, mais vains et insuffisants.


.Quand Pilkington voit sa vie d'homme interférer dans sa vie de prêtre en la personne de Graham (Robert Carlyle) il la renie, la rejette hors de son église, pour la tenir à bonne distance, assez loin pour ne pas la regarder en face et espérer y échapper en ne l'affrontant pas. L'hypocrisie régnant en souveraine absolue et le silence primant sur la vérité.


La "conversation" avec le père de Lisa est un choc inoubliable à la fois pour le prêtre et le spectateur, donne la rage et la nausée. L'humanisation de Greg s'amorce, il trahit le secret mais se reprend et ne va pas au bout de la démarche.
Ainsi, le moment où la mère de Lisa découvre le secret de sa fille résonne comme une condamnation. Le montage en parallèle du Père Greg en prière devant le Christ sauveur et de la maison en feu est un tour de force.


Comment arriver à vivre dignement dans un mond où il est plus acceptable (moins condamnable ?) pour un homme d'abuser de sa propre fille préadolescente que d'avoir une sexualité consentie, une relation intime et des sentiments sincères pour un individu du même sexe.


Antonia Bird évoque ici plusieurs des maux de l'Église séculaire. Elle parle sans faux semblants mais avec pudeur de l'Institution, non de la religion. Elle mentionne la chasteté imposée, la sexualité de ses serviteurs, la pernicieuse loi du silence sans dénigrer à aucun moment ni la foi ni les fidèles. Aucun artifice, aucun pathos ne vient galvauder la force du propos.


Je pose ça là, ma part du boulot est faite. À toi, cher lecteur de ne pas briser la chaîne, de faire découvrir et suivre la bonne parole.

Rawi
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le 1 mars 2018

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Rawi

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